Selon: Wildinette Paul / Radio-Canada Manitoba
Un moyen simple de limiter l’infection par le VIH pourrait avoir été détecté par des chercheurs du Manitoba, et ce, à partir d’un médicament bien connu. Ils ont mené une étude auprès de femmes à haut risque d’infection au Kenya. «L’aspirine c’est connu et c’est approuvé. Il n’y a pas beaucoup d’effets secondaires, mais beaucoup d’effets positifs», explique Julie Lajoie qui a participé à l’étude. Dans cette étude, les experts ont décidé de donner le médicament à des travailleuses du sexe séronégatives, afin de déterminer s’il est possible de copier leur immunorésistance naturelle au VIH.
Des scientifiques du Manitoba avaient constaté que certaines femmes kényanes sont génétiquement protégées contre le VIH. Bien qu’elles soient souvent exposées au virus, elles parviennent à échapper à une infection parce que leurs cellules CD4 sont moins actives. Selon la Dre Lajoie, le VIH infecte 1000 fois plus une cellule active. L’étude menée sur une période d’un mois et demi consistait à donner une fois par jour une faible dose d’aspirine à ces femmes. «On leur donnait l’aspirine et puis on prenait des échantillons sanguins, des échantillons vaginaux toutes les deux semaines. Au bout de six semaines, on s’est aperçu que, hey, ça marche. On peut mimer le système immunitaire.» Résultat : les experts ont constaté une réduction de 39 % des cellules cibles du VIH, CD4, dans le tractus vaginal.
D’autres médicaments, comme le Prep, existent déjà sur le marché pour prévenir le VIH. Cependant, pour la Dre Lajoie, l’aspirine aiderait bien des communautés. «Prep fonctionne, dit-elle, mais ça n’a pas l’air de fonctionner dans toutes les populations. Et le problème, c’est que c’est très cher et pas offert partout.»
Julie Lajoie ajoute que, chez certaines femmes, le remède anti-VIH ne fonctionne pas. «C’est efficace à 98 %, mais dans certains cas, des études ont montré que ça ne l’était pas, principalement à cause de l’adhérence. La personne ne peut pas le prendre tous les jours, et là, on perd de l’efficacité.» Elle vante les mérites de l’aspirine. «L’aspirine est en vente libre. Il n’y a pas [de notion de maladie honteuse] qui lui est associé.»
Si cette avancée a été possible, c’est grâce à un partenariat de plus de 20 ans entre l’Université du Manitoba et celle de Nairobi, au Kenya. «Ça a commencé au Kenya où il y avait un problème de maladie transmise sexuellement. Il y avait des recherches et, à l’Université du Manitoba, il y avait un spécialiste.» Depuis, le Sex Workers Outreach Program («Programme pour venir en aide aux travailleuses du sexe») s’est créé dans la région. Près de 15 cliniques sont présentement implantées dans la capitale. «On donne des traitements à environ 30 000 personnes. Ce sont des travailleuses du sexe, mais aussi des hommes homosexuels, des personnes considérées comme à haut risque d’infection au VIH.»
Le partenariat se veut aussi le plus inclusif possible. «Dès le départ, le but ce n’était pas juste d’avoir des Canadiens qui vont au Kenya, qui y prennent des échantillons et qui font la recherche eux-mêmes. C’est de construire une équipe moitié-moitié. On a des étudiants canadiens qui vont étudier au Kenya, et des Kényans qui viennent étudier au Canada.» Les nombreuses personnes de son entourage mortes du VIH sont sa source de motivation. « On a fait un pas de plus pour dire qu’on va peut-être avoir un nouvel outil pour prévenir le VIH », conclut Julie Lajoie.