LE MILITANT GAI MONTRÉALAIS ANDRÉ FAIVRE RECONNU COUPABLE!

R. c. Faivre

2018 QCCQ 7467

JP 2213

COUR DU QUÉBEC

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
N° : 500-01-135324-165 / 500-01-132975-167
DATE : 21 septembre 2018
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE

YVAN POULIN, J.C.Q.

SA MAJESTÉ LA REINE
Poursuivante
c.
André FAIVRE
Accusé

JUGEMENT

NOTE: Une ordonnance interdisant de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité des plaignants est émise en vertu de l’article 486.4 du Code criminel.

  1. L’APERÇU

  1. L’accusé subit son procès sur des chefs lui reprochant des infractions de pornographie juvénile, de contacts sexuels, d’avoir conseillé de commettre l’infraction de contacts sexuels, d’attentat à la pudeur, de grossière indécence, ainsi que de possession et entreposage illégal d’une arme à feu. Les accusations ont été portées en deux temps, au début de l’année 2016, à la suite d’une enquête policière de plusieurs mois menée par la Sûreté du Québec.

  2. L’acte d’accusation sur lequel s’est instruit le procès comportait initialement 17 chefs. Au début du procès, le Tribunal a rejeté une demande de la défense visant à obtenir un procès séparé concernant six de ces chefs. Dans une décision rendue oralement, le Tribunal a rejeté cette requête à la suite de la mise en balance de plusieurs facteurs, dont l’interrelation entre les divers chefs et la preuve.

  3. À l’issue de la présentation de sa preuve à charge, le ministère public a concédé qu’un verdict d’acquittement devait être prononcé sur les chefs 16 et 17 puisqu’aucune preuve n’avait été présentée à leur égard. Ce verdict a été prononcé le 6 juin dernier. Au même moment, le ministère public a aussi sollicité une modification de la période d’infraction visée par les chefs 1 et 3, et ce, afin de rendre ces chefs conformes à la preuve. Une fois cette modification faite, un arrêt conditionnel des procédures a été prononcé sur les chefs 2 et 4.

  4. Il s’agit maintenant de déterminer si le ministère public a démontré que l’accusé a commis les autres infractions qui lui sont reprochées, et ce, hors de tout doute raisonnable. La preuve du ministère public est principalement composée du témoignage des deux victimes alléguées, de celui d’un agent d’infiltration ayant côtoyé l’accusé sur une période de neuf mois, des échanges courriel entre l’accusé et l’agent d’infiltration, du fruit de deux perquisitions exécutées à la résidence de l’accusé en milieu et en fin d’enquête, de conversations interceptées en cours d’enquête, et de la déclaration extrajudiciaire donnée par l’accusé à la suite de son arrestation.

  5. Le ministère public soutient :

  • Qu’il y a plus de 35 ans, l’accusé a commis des actes de grossière indécence et attenté à la pudeur de X, un jeune garçon qu’il avait accueilli en foyer d’accueil et qui a vécu avec lui pendant quelques années1;

  • Qu’entre 1999 et 2001, l’accusé a eu des contacts sexuels avec Y, un autre jeune garçon vivant dans un foyer d’accueil où il a travaillé pendant plusieurs mois2;

  • Que de manière plus contemporaine, l’accusé a mis en place une plateforme de partage sécurisée permettant les échanges secrets et confidentiels entre pédophiles et pédérastes sur l’Internet;

  • Que des serveurs, disques durs et autre matériel informatique saisis à sa résidence permettaient de tels échanges;

  • Qu’entre 2003 et 2016, l’accusé a eu en sa possession et accédé à de la pornographie juvénile3;

  • Qu’au cours de cette même période, il a produit, imprimé ou publié de la pornographie juvénile, ou eu en sa possession du tel matériel en vue de publication4;

  • Qu’au cours de cette période, il a rendu accessible ou distribué de la pornographie juvénile, ou eu en sa possession du tel matériel en vue de le transmettre, le rendre accessible ou le distribuer5;

  • Qu’entre 2015 et 2016, il a conseillé à un agent d’infiltration personnifiant un pédophile de commettre les infractions d’accès à de la pornographie juvénile et de contacts sexuels avec des enfants6;

  • Qu’au cours de cette période, il a conseillé à l’un de ses amis, M. Dave Turcotte, de commettre l’infraction de contacts sexuels avec des enfants7; et

  • Que lors de la perquisition exécutée à sa résidence le 27 janvier 2016, il entreposait illégalement une arme à feu8 et la possédait sans être titulaire d’un permis9.

  1. En défense, l’accusé a choisi de témoigner en réponse aux allégations des deux victimes alléguées, X et Y. Au moment d’amorcer sa défense, il a toutefois indiqué vouloir garder le silence quant aux autres allégations du ministère public. Plutôt que de renouveler sa requête pour séparer certains chefs, l’accusé a invité le Tribunal à prononcer une ordonnance limitant le contre-interrogatoire du ministère public aux seules allégations auxquelles il souhaitait répondre. Cette demande a été formulée en application des principes émis par la Cour d’appel du Québec dans les arrêts Houle10 et Morasse11. En l’absence d’objection de la part du ministère public, le Tribunal a prononcé une telle ordonnance et l’accusé a répondu aux allégations visées par les chefs 12 à 15. Par voie de conséquence, il n’a été ni interrogé ni contre-interrogé quant aux autres chefs.

  1. LA POSITION DES PARTIES

  1. Les avocats de la défense rappellent que le fait de s’identifier comme pédophile ne constitue pas, en soi, une infraction en droit canadien. Ils plaident que le rôle du Tribunal consiste à déterminer si chaque élément essentiel des infractions reprochées a été prouvé selon la norme applicable. Ils soulignent que le fait que l’accusé définisse la pédophilie comme une orientation sexuelle – et qu’il milite en ce sens – ne constitue pas un crime. Et ils invitent le Tribunal à analyser la preuve de manière objective, et ce, sans préjugés ou idées préconçues.

  2. En ce qui a trait aux gestes posés à l’endroit des deux victimes alléguées, les avocats de la défense soutiennent que la version de l’accusé est de nature à laisser subsister un doute raisonnable et qu’il devrait être acquitté. Relativement aux autres infractions, ils plaident que la preuve présentée par le ministère public, bien que non contredite, est insuffisante et ne rencontre pas la norme applicable.

  3. De leur côté, les avocates du ministère public sont en désaccord avec la défense. En ce qui a trait aux contacts sexuels à l’endroit du premier plaignant, elles soulignent que la version de l’accusé n’est pas de nature à le disculper. En ce qui a trait au second plaignant, elles plaident que l’accusé minimise la portée de ses gestes et que son récit est dépourvu de crédibilité et fiabilité. Elles plaident que l’accusé devrait être déclaré coupable de ces infractions puisque le témoignage des plaignants est crédible et confirmé par la preuve matérielle saisie chez l’accusé et par les aveux de ce dernier à l’agent d’infiltration. Au final, elles soutiennent que la preuve démontre la commission de toutes les infractions reprochées hors de tout doute raisonnable.

  1. LA PREUVE DE LA POURSUITE

    1. X

  1. Dans son témoignage, X a relaté le contexte et les circonstances des actes sexuels commis par l’accusé à son endroit il y a plus de 35 ans. Il a mentionné que l’accusé l’emmenait dans sa chambre et le « suçait ». Il le flattait et lui caressait aussi les fesses, le pénis et le torse. Selon lui, les gestes se sont répétés de manière régulière « au moins une trentaine de fois ». Ils avaient toujours lieu dans la chambre de l’accusé.

  2. X a expliqué avoir été placé en foyer d’accueil durant toute son enfance. Il est né en 1967 d’une mère qui ne pouvait pourvoir à ses besoins. Il a eu une enfance très difficile et a résidé au foyer d’accueil de l’accusé à compter de la fin des années 70. Aujourd’hui âgé de 50 ans, il s’exprime avec beaucoup de difficulté. Il a révélé la teneur des gestes posés par l’accusé en 2016 lorsque les policiers l’ont contacté. Il ne l’avait pas fait auparavant.

  3. Dans le cadre de son témoignage, X a reconnu certaines photos sur lesquelles on le voit, enfant, en compagnie de l’accusé. Ces photos ont été saisies chez ce dernier, en janvier 2016, dans des valises contenant un nombre considérable de photos d’enfants. À l’époque des événements, X était connu par l’accusé sous le nom de S.

  4. En contre-interrogatoire, X a eu de la difficulté à se remémorer plusieurs détails de son enfance et de son adolescence. Sa mémoire s’est avérée déficiente à plusieurs égards. Il n’a pu, par exemple, se rappeler de certains endroits où il a habité, des établissements scolaires qu’il a fréquentés, non plus que des divers endroits où il a été placé. Il n’a pu être précis quant au moment spécifique où il a été placé au foyer de l’accusé.

    1. Y

  1. Dans le cas de Y, il a expliqué dans son témoignage qu’il a connu l’accusé alors qu’il était âgé de sept ou huit ans. Né en 1991 d’une mère criminalisée, Y a été placé en centre jeunesse pendant une grande partie de son enfance. Il demeurait au foyer d’accueil […] lorsque l’accusé y travaillait à titre d’éducateur au début des années 2000.

  2. À l’époque des événements, le foyer d’accueil hébergeait environ une douzaine de jeunes âgés de huit à 12 ans. Il était dirigé par G et M mais d’autres éducateurs y travaillaient également, dont l’accusé. Selon Y, c’est à cet emplacement que des gestes sexuels ont été posés à son endroit.

  3. À titre d’éducateur, l’accusé faisait certaines activités avec Y. Entre autres, il l’a emmené avec deux autres garçons sur le voilier d’un ami aux Iles de Boucherville. Il lui a aussi fabriqué un capteur de rêves afin de repousser ses cauchemars. Placé au-dessus de son lit, cet appareil était constitué d’une plume, d’une lumière rouge, d’un interrupteur noir et de peau de lièvre.

  4. Y a relaté les circonstances des gestes sexuels posés par l’accusé au foyer d’accueil. Le premier est survenu alors qu’il prenait une douche à la suite d’une crise. L’accusé lui avait suggéré d’aller dans la douche pour se calmer. C’est à ce moment qu’il lui a pris le bout du pénis avec ses doigts en lui disant que son « petit bout » – son prépuce – allumait rouge comme la lumière de son capteur de rêves. L’accusé aurait répété ce même geste une seconde fois à une autre date.

  5. Le troisième geste sexuel a été posé au moyen de la plume du capteur de rêves à la suite d’une crise. Y s’était retrouvé seul dans sa chambre, couché sur le ventre, avec l’accusé qui le plaçait en arrêt d’agir. Après lui avoir raconté l’histoire de Mowgli du Livre de la Jungle, l’accusé a pris la plume du capteur de rêves et a commencé à le flatter un peu partout pour le calmer et le détendre. Il a poursuivi cette manœuvre en passant la plume directement sur ses fesses après avoir baissé son bas de pyjama. Puis il a continué ce geste dans sa craque de fesses. Au total, cet événement a duré environ une trentaine de minutes. Y a mentionné avoir senti l’érection de l’accusé lorsque ce dernier l’a placé en arrêt d’agir.

  6. À l’époque des événements, l’accusé lui disait qu’il l’aimait beaucoup et qu’il voulait l’avoir comme fils. Il lui donnait des becs sur la bouche de manière régulière en lui disant : « mon bec? ». Y se conformait à ses demandes puisqu’il s’y sentait obligé. Il n’avait pas de père pour s’occuper de lui et l’accusé représentait sa figure paternelle. Il a vu l’accusé pour la dernière fois il y a plusieurs années après que ce dernier eut été renvoyé du foyer. Il avait à ce moment une interdiction de contact avec lui.

  7. Y n’a pas parlé de ces événements aux autorités avant 2016. Il en a discuté pour la première fois le 27 janvier 2016 lorsque les policiers sont venus le rencontrer. C’est à ce même moment qu’il a été informé de l’arrestation de l’accusé en lien avec diverses infractions.

    1. Les rencontres avec l’agent d’infiltration

  1. Une opération d’infiltration a été mise sur pied dans le cadre de l’enquête. À compter de février 2015, un policier (ci-après « AI-903 » ou « l’agent d’infiltration ») s’est présenté à l’accusé sous le couvert d’un pédophile, c’est-à-dire un homme éprouvant une attirance envers les jeunes garçons de 10 ou 11 ans. L’objectif consistait à infiltrer le groupe afin de recueillir des éléments de preuve de la commission d’infractions, le cas échéant.

  2. À la suite de premières discussions par le biais de courriels, l’accusé a accepté de rencontrer l’agent d’infiltration en personne afin de discuter de sa situation. Plusieurs rencontres s’en sont suivies. Après chaque rencontre, l’agent d’infiltration notait la teneur des discussions qu’il avait eues avec l’accusé. Au procès, il a témoigné à ce sujet pendant environ cinq jours. Il a spécifiquement relaté la nature et le contenu des discussions intervenues avec l’accusé et d’autres personnes entre les mois de février et novembre 2015. Il a produit les courriels échangés entre eux au cours de cette période. Et il a été longuement contre-interrogé par la défense.

  3. Sans reprendre en détails le témoignage de l’agent, le Tribunal estime utile d’en exposer les grandes lignes en s’attardant sur certains éléments permettant de saisir la nature de la relation de confiance qui s’est progressivement installée entre l’accusé et l’agent d’infiltration au cours de cette période. Notons que certains aspects plus précis de ce témoignage seront abordés plus loin dans l’analyse des questions en litige. Comme nous le verrons plus loin, il ressort clairement de la preuve que l’accusé a agi à titre de mentor auprès de l’agent d’infiltration.

      1. Les contacts initiaux

  1. C’est au début du mois de février 2015 que l’agent d’infiltration a transmis un premier courriel à l’accusé lui indiquant qu’il avait vu son CV et constaté son implication auprès des diverses minorités sexuelles. Indiquant qu’il « ne cadrait définitivement pas dans la normalité de notre société », l’agent d’infiltration lui a demandé s’il pouvait l’aider.

  2. L’accusé a accepté de le rencontrer afin qu’il puisse parler de sa situation en toute liberté et sécurité. Il lui a écrit qu’il était « à l’aise » avec « les diverses orientations affectives et sexuelles minoritaires » telles « la pédophilie et la pédérastie ». Il l’a spécifiquement mis en garde contre le fait de se confier davantage à partir d’une boite de courriel non sécuritaire. Il lui a dit qu’il lui expliquerait la procédure à suivre pour obtenir accès à un service courriel sécurisé et sécuritaire anonyme desservant certaines minorités sexuelles.

      1. La première rencontre dans un lieu public

  1. L’agent d’infiltration a rencontré l’accusé pour la première fois le 16 février 2015, en soirée. La rencontre s’est déroulée dans un café et a duré près de cinq heures. Au début, l’accusé lui a demandé de lui préciser son orientation : « toi, tu es quoi »? Après qu’il lui eut dit que c’était les « jeunes garçons d’environ 10 ou 11 ans », l’accusé a monopolisé une grande partie de la rencontre. Il lui a dit que pour lui, la pédophilie et la pédérastie étaient des orientations sexuelles comme l’hétérosexualité et l’homosexualité. Utilisant les acronymes BL (pour Boy Lover) et GL (pour Girl Lover), il lui a dit qu’il connaissait des gens qui avaient des relations avec des enfants et que c’était « correct » et « normal ».

  2. Tout son propos se voulait rassurant pour l’agent d’infiltration qui se présentait comme un pédophile.

  3. En ce qui a trait au côté sexuel, l’accusé lui a dit que s’il s’aventure là-dedans, il faut qu’il soit « safe »; que si c’est bien fait, il n’aura pas de problème avec la police; et qu’à cet âge-là, c’est souvent sous forme de jeux. L’accusé a évoqué l’importance d’avoir l’air naturel auprès des enfants. Il a aussi distingué les BL des abuseurs : selon sa conception, un BL serait une personne qui serait en amour avec les jeunes garçons alors qu’un abuseur serait un agresseur.

  4. La question des courriels et des forums Internet a été abordée au cours de la rencontre. L’accusé lui a suggéré d’aller sur les forums de discussion BL afin de trouver des gens avec lesquels il pourrait avoir des intérêts communs. Il lui a aussi parlé de WebBLeu, un service de courriel sécurisé spécifiquement destiné aux BL. Soulignant que les lettres BL se retrouvaient dans le mot WebBLeu, il lui a expliqué la nature, le fonctionnement et les particularités du service courriel en question. Il lui a confirmé qu’il lui créerait une adresse courriel sécurisée WebBLeu et qu’il lui transmettrait les liens Internet relatifs aux forums BL.

  5. Au cours de la discussion, l’agent d’infiltration a parlé de son intérêt pour la relation d’aide. À ce moment, l’accusé lui a conseillé diverses choses lui permettant d’être en lien avec les jeunes enfants, tels l’aide aux devoirs et le scoutisme. Notons que l’accusé a aussi discuté, au cours de la soirée, de destinations propices à des voyages de tourisme sexuel auprès d’enfants. Il a notamment parlé des circonstances et des détails du voyage effectué en Tunisie par deux amis BL.

      1. Le service courriel sécurisé WebBLeu

  1. Dès le lendemain de cette rencontre, l’accusé a créé une adresse courriel sécurisée à l’intention de l’agent d’infiltration. Il lui a conféré un nom d’abonné (Atomu) et sa nouvelle adresse courriel ([…]@webbleu.net). S’identifiant lui-même comme « Alpha, ton Postmaster », il lui a confirmé son « abonnement à vie » et lui a transmis toute la procédure à suivre pour la gestion et l’utilisation du service de courriel sécuritaire.

  2. Utilisant ensuite son adresse […]@webbleu.net, il lui a transmis les détails des forums BL dont il avait été question lors de la rencontre. Il en a profité pour lui donner certaines directives additionnelles, dont le fait de ne jamais mentionner de prénom « même si c’est sécurisé ». Dans des échanges courriels subséquents, l’agent d’infiltration l’a remercié pour ses démarches et lui a indiqué qu’il s’était rendu sur les forums en question. Une nouvelle rencontre a été fixée.

      1. La seconde rencontre dans un lieu public

  1. Lors de la rencontre du 5 mars 2015, l’accusé a de nouveau monopolisé une grande partie de la discussion. Après que l’agent d’infiltration l’eut remercié et informé des observations qu’il avait faites sur les forums BL, l’accusé lui a parlé davantage de ces forums en précisant qu’ils étaient publics, ce qui constitue un désavantage. Lorsque l’agent d’infiltration a relaté qu’il aimerait rencontrer d’autres BL en personne, l’accusé a signalé que de telles rencontres se déroulaient auparavant mais qu’il n’y en avait plus. Questionné par l’accusé quant à la raison pour laquelle il souhaitait de telles rencontres, l’agent lui a dit qu’il pourrait ainsi connaitre les expériences de d’autres BL et apprendre leurs méthodes et leurs manières, et ce, de façon à éventuellement vivre de telles expériences. L’accusé l’a alors mis en garde en précisant que cela lui montrerait que c’est possible de vivre de telles expériences mais que ça ne lui permettrait pas nécessairement de le faire. Il a ajouté qu’une méthode qui a fonctionné pour l’un ne fonctionnerait pas nécessairement pour l’autre.

  2. Lors de la discussion, l’accusé lui a conseillé de se mettre en lien avec les jeunes au moyen d’une activité ou d’un intérêt qui justifierait sa présence auprès d’eux. Selon lui, cela confère une forme de protection. Afin d’illustrer son propos, il lui a expliqué que son intérêt personnel pour la moto lui a permis d’entrer en contact avec des jeunes garçons et de faire des sorties avec eux. Répétant que l’important était d’avoir l’air naturel, il lui a donné d’autres exemples d’activités permettant d’atteindre cet objectif. Il a souligné que le fait que la famille de l’agent d’infiltration ait une ferme constituait une belle opportunité et qu’il pourrait « amener les flots traire les vaches ».

  3. L’accusé lui a dit qu’il fallait être prudent en ce qui a trait à l’utilisation de l’argent auprès des garçons. Il lui a déconseillé de donner des cadeaux puisque cela pouvait créer une jalousie, éveiller certains soupçons et, éventuellement, mener à une dénonciation.

  4. Au cours de la discussion, l’accusé lui a mentionné que les serveurs informatiques étaient à sa résidence. Il lui a dit qu’il avait déjà eu une famille d’accueil. Et il lui a décrit son projet de tribu garçons dragon, développé à l’image des jeux grandeur nature, qui était spécifiquement destiné aux jeunes garçons. L’agent d’infiltration s’est montré très intéressé par ce projet.

      1. La troisième rencontre dans un lieu public

  1. À la suite de certains courriels au sujet du projet garçons dragon, une troisième rencontre a été tenue le 20 mars 2015 au même café. D’entrée de jeu, l’accusé a confirmé à l’agent d’infiltration qu’il le considérait dans la tribu et il a discuté davantage des détails visant à développer ce projet. Il lui a confirmé que deux amis BL – un compositeur et un moniteur de scouts – étaient prêts à le rencontrer lors d’un souper à son domicile. Il a aussi indiqué qu’il lui montrerait des photos pour étaler les activités que l’on peut faire avec les enfants.

  2. Au cours de la discussion, l’accusé a questionné l’agent d’infiltration au sujet de la ferme appartenant à sa famille. Il lui a proposé de vérifier s’il y avait des foyers d’accueil ou des organismes en lien avec les jeunes qui se trouvaient à proximité, et ce, afin d’organiser des activités à la ferme. Il lui a donné des trucs pour faire plus officiel et avoir moins de soupçons.

  3. Avant la fin de la rencontre, l’accusé a dit à l’agent d’infiltration qu’il lui créerait un courriel sécurisé distinct pour le projet de tribu. Il a précisé qu’il était important de garder les choses séparées. Pour les BL, c’est WebBLeu. Et pour la tribu, c’est le courriel destiné à cette fin. Peu après la rencontre, l’accusé a créé les nouvelles adresses courriel en question. Il a ensuite transmis la procédure à suivre à l’agent d’infiltration.

      1. La première rencontre au domicile de l’accusé : les photos

  1. Le 27 mars 2015, l’agent d’infiltration a rencontré l’accusé à son domicile. Ils se sont installés à l’arrière dans la véranda. Au début de la discussion, l’agent a mentionné qu’il était mal à l’aise de parler de certaines choses lorsqu’ils étaient au café dans un endroit public. Étant maintenant plus à l’aise, il l’a informé qu’il aimerait pouvoir avoir des contacts physiques, toucher et avoir des relations intimes avec les jeunes garçons à l’occasion du projet de tribu.

  2. Signalant qu’il avait personnellement beaucoup d’expérience, l’accusé lui a indiqué que les désirs qu’il avait envers les jeunes pouvaient le mettre en danger. Référant à ses expériences personnelles antérieures, il a souligné qu’il « pourrait être dans le trouble » s’il refaisait les mêmes choses aujourd’hui et que ce serait plus difficile. Il l’a ensuite informé qu’il était pour le conseiller et l’accompagner mais qu’il ne pouvait, par contre, être complice d’un acte criminel.

  3. Selon l’agent d’infiltration, c’est à ce moment que l’accusé l’a précisément conseillé relativement à l’attitude à adopter envers les jeunes garçons. Il lui a dit qu’il devait être patient, qu’il devait attendre la bonne opportunité et qu’il ne devait pas brusquer les choses. Afin d’illustrer son propos, il a référé à un événement survenu au moment où il avait mis sur pied une chorale avec un autre individu. Selon lui, c’est l’attitude de l’autre individu qui avait incité des parents à retirer leurs enfants de la chorale. Signalant l’importance d’être patient, l’accusé a indiqué à l’agent d’infiltration qu’il s’agissait « de semer dans les champs » et d’attendre « le moment venu pour la récolte ».

  4. Lors de la discussion, l’accusé a souligné l’importance de bien gérer ses désirs et son plaisir, ses émotions et ses intentions. Il a mentionné qu’on ne peut forcer un jeune enfant à donner de l’affection, que ça ne se commande pas. Cependant, il a précisé qu’il est possible de susciter un intérêt.

  5. Relativement au projet de tribu, l’accusé a évoqué l’idée de créer un organisme sans but lucratif afin que ce soit plus crédible et pour éviter que leurs noms personnels y soient associés s’il arrive quelque chose. Dans le cours de la soirée, l’agent d’infiltration a remarqué des serveurs informatiques dans le salon ainsi que des ordinateurs dans la véranda. Afin de prévoir une prochaine rencontre, l’accusé s’est servi de l’un des ordinateurs de la véranda pour consulter un fichier correspondant à son agenda personnel.

  6. À un certain moment, l’accusé s’est affairé à lui montrer une série de photos d’activités possibles avec des jeunes. Au total, ils ont regardé au moins 400 photos de jeunes garçons. Toutes les photos provenaient de deux valises se trouvant au sol dans la véranda. Les photos comportaient certaines constantes : des jeunes garçons souvent torse nu, montrant leurs muscles, et régulièrement en bobettes ou en maillot de bain. L’accusé les commentait au fur et à mesure qu’il les lui exhibait. Il a notamment montré des photos d’un S en précisant qu’il s’agissait de l’amour de sa vie. Il a émis le même commentaire en référant à des photos d’un C. Il a référé à M, photographié sur une moto, comme étant l’un de ses premiers boy riders. Il a aussi montré des photos de jeunes garçons lui donnant un bec sur la bouche.

  7. En référence à certaines photos se trouvant dans un duo-tang, l’accusé a signalé qu’il s’agissait de son « best of ». Concernant une feuille comportant certaines adresses courriel, il a dit qu’il s’agissait de ses contacts BL. En lien avec des photos de jeunes inconnus, il a expliqué que l’un des passe-temps favoris de tout BL consiste à prendre des photos de jeunes garçons en public. Précisant que la plupart utilisent des téléobjectifs, il a souligné que dans son cas, il utilisait un appareil normal.

  8. Notons que durant la discussion, l’accusé a expliqué la différence entre un BL et un LB. Selon lui, le BL est un Boy Lover, c’est-à-dire la personne pédophile. Quant à l’acronyme LB, il désigne le Loved Boy, en référence au jeune garçon qui est en relation avec le BL.

      1. La seconde rencontre au domicile de l’accusé : les précautions

  1. Une nouvelle rencontre au domicile de l’accusé s’est déroulée le 3 avril 2015. À cette occasion, l’accusé lui a dit qu’en tant que BL, il faut prendre des précautions sur Internet, et ce, tant au niveau des virus que de la police. Sur ce dernier point, il a fait référence au fait qu’ils ont appris des leçons depuis un événement en France où un fichier pas bien protégé avait été échangé. Il a souligné que les échanges entre deux courriels sécurisés WebBLeu sont sécuritaires. Il a certifié que son serveur est sécurisé et encrypté et comporte d’autres courriels sécurisés, dont un pour les GL (Girl Lover). Il a aussi dit que tous ces courriels sont sécurisés ensemble.

  2. Au cours de la rencontre, l’accusé a donné une série de conseils concernant la navigation sur Internet. Il a dit qu’en tant que BL, c’est important de tout effacer les traces que l’on laisse sur notre ordinateur. Dans son cas, à la fin de chaque journée, il efface toutes les traces de ce qu’il a fait sur son ordinateur au moyen de programmes spécifiques. Il a dit qu’il utilise un VPN de Chypre pour dissimuler son adresse IP. Il a souligné que c’est sa fondation LATMS (Les Amis de Toutes les Minorités Sexuelles) qui paie pour le VPN, et qu’il s’agit d’un « front » pour son organisation BL.

  3. À un certain moment, l’accusé a proposé de trouver des images de garçons et de dragons pour leur projet de tribu. Au moyen de l’un des ordinateurs de la véranda, il a utilisé le fureteur et a cliqué sur un hyperlien l’amenant vers un site spécifique dont les coordonnées ont été mentionnées au Tribunal par l’agent d’infiltration. Il s’agit d’un forum où les usagers sont identifiés au moyen d’avatars de type manga représentant des jeunes enfants performant des activités sexuelles explicites (fellations, masturbations et pénétrations). L’agent a remarqué que les noms associés aux avatars étaient des dérivés du terme anonyme et anonymat.

  4. Alors qu’ils se trouvaient à l’ordinateur, l’accusé lui a montré le fonctionnement de certains programmes permettant d’effacer ses traces. Précisant que la police avait la capacité de retrouver un fichier effacé normalement, il a créé un fichier Word qu’il a intitulé « garçonstoutnu.doc » pour ensuite l’effacer au moyen de l’un des programmes en question.

  5. À la suite de ces conseils, l’agent d’infiltration a lancé l’idée de regarder des photos comme ils l’avaient fait lors de leur dernière rencontre. L’accusé a refusé mais lui a suggéré d’aller lui-même sur Internet comme il lui avait antérieurement montré. Mentionnant qu’un BL devait faire ses recherches par lui-même, il lui a dit de retourner sur le site où ils s’étaient rendus plus tôt. Il lui a dit que des photos complètement illégales se retrouvaient sur ce site mais que les administrateurs les retiraient rapidement. Il lui a aussi suggéré quelques thèmes spécifiques qu’il pouvait utiliser pour faire ses recherches.

  6. En lien avec le souper avec certains amis BL qui devait avoir lieu sous peu, l’accusé a demandé à l’agent d’infiltration de lui faire part de ses attentes. L’agent a alors répété qu’il aimerait que ses amis puissent partager leurs expériences pour qu’il puisse éventuellement en vivre lui-même. Soulignant qu’il ne devait pas se faire trop d’attentes à ce niveau, l’accusé a ajouté qu’il devait préalablement exister un lien de confiance et que ce n’était pas facile pour eux non plus. L’accusé a par ailleurs suggéré à l’agent d’infiltration de faire son premier « post » sur le forum BL dont il lui avait donné les coordonnées à la suite de leur première rencontre. Il lui a suggéré de simplement se présenter comme BL en indiquant son âge et son métier d’agriculteur.

  7. Au cours de la discussion, l’agent d’infiltration a introduit le fait qu’il commençait à entrer en relation avec son jeune voisin de 10 ou 11 ans. Il a indiqué qu’il s’occupait parfois de lui pour aider la mère, monoparentale, pour des choses toutes simples. À partir de ce moment, l’accusé s’est immédiatement intéressé à son récit et a rapidement proposé d’inclure l’enfant dans le projet de tribu. Lorsque l’agent lui a indiqué que le père de l’enfant n’était pas présent dans sa vie, l’accusé a rétorqué que la plupart des histoires de BL commençaient comme cela. Il lui a ensuite donné certains conseils quant à la manière de se mettre en relation avec le jeune. Il lui dit de s’occuper de l’entourage du garçon, des amis et de la mère. Faisant référence à l’une de ses relations antérieures, il a expliqué qu’il avait été dénoncé par la mère du meilleur ami de l’enfant.

  8. En rapport avec ses relations antérieures, l’accusé a explicitement référé à S, C, M et Y. Il a indiqué que pour contrôler ses désirs, il se concentrait sur son plaisir d’être entouré de jeunes garçons. Il a mentionné certains contacts physiques qui le satisfaisaient, comme s’embrasser et se coller. Disant ne pas avoir eu d’activités à caractère sexuel, il a toutefois mentionné, plus loin dans la discussion, qu’il avait vécu avec S jusqu’à un certain âge et qu’ils « faisaient l’amour à tous les jours ensemble avant ».

  9. Au cours de la soirée, l’accusé s’est dit en désaccord avec la législation relative au consentement sexuel. Pour illustrer son propos, il a souligné qu’il est illogique qu’on puisse conduire un scooter à 14 ans mais qu’on ne puisse pas décider d’avoir ou non une relation avec un adulte.

  10. Notons qu’au cours de la soirée, l’accusé a présenté son colocataire Simon Brochu à l’agent d’infiltration.

      1. Le souper entre amis BL

  1. Le souper s’est déroulé le 10 avril 2015 au domicile de l’accusé. À l’arrivée de l’agent d’infiltration, l’accusé, son colocataire ainsi que Ross Perrin étaient déjà sur place. Dave Turcotte s’est peu après joint au groupe. Et des discussions s’en sont suivies sur une période de quelques heures.

  2. Au début de la soirée, Dave a demandé à l’agent d’infiltration s’il était effectivement BL. Après qu’il eut acquiescé, Dave lui a décrit son parcours personnel en tant que BL. Il a expliqué qu’il avait débuté sur les forums pour ensuite participer à des rencontres de BL. À l’époque, la tâche de l’accusé et d’un dénommé Jean-Marc consistait à filtrer les gens qui allaient pouvoir s’introduire dans le groupe. C’est à cet endroit qu’il a connu l’accusé.

  3. Dave a expliqué qu’il était impliqué dans les scouts depuis environ une dizaine d’années et qu’il avait comme projet d’ouvrir un foyer d’accueil pour jeunes. Il a souligné qu’il avait entrepris des démarches pour avoir ses cartes d’amérindien et il a été question du fait que ce serait un bon endroit pour un foyer. À ce sujet, l’accusé a mentionné que s’il arrivait quelque chose, les autorités n’oseraient pas intervenir en raison du statut particulier des réserves.

  4. Dans le cadre des discussions, Dave a blâmé le gouvernement conservateur relativement au fait que l’âge de consentement est rendu à 16 ans. De son côté, l’accusé a abordé sa compréhension de la définition d’agression sexuelle. Au cours de la discussion, Dave et l’accusé ont parlé de certaines de leurs expériences personnelles impliquant des jeunes garçons. Sans toutes les reprendre, soulignons que l’accusé a référé aux événements qui se sont produits avec S en précisant que « s’il en parle, c’est sûr que je me retrouve en prison ».

  5. L’accusé a aussi parlé du moyen qu’il utilisait pour se retrouver seul avec des jeunes lors d’une sortie dans les Laurentides. Il a décrit la manière avec laquelle il les amenait à se dévêtir complètement pour exécuter un rituel indien dans une tente à vapeur.

  6. L’accusé a indiqué qu’à douze ou treize ans c’est le meilleur âge puisqu’ils veulent encore avoir de l’affection comme des enfants tout en étant plus aventureux comme des adolescents.

  7. À un certain moment au cours de la soirée, l’accusé est allé récupérer le duo-tang comportant son « best of ». Ils ont commencé à regarder certaines photos en décrivant les histoires qui y étaient associées. L’agent d’infiltration a remarqué que Dave les connaissait déjà. Dans le cours de la discussion, l’accusé et Dave ont référé aux moments où leurs entourages respectifs ont redouté qu’ils soient des pédophiles : tous deux ont utilisé l’excuse d’être gais pour expliquer la situation.

  8. Durant la soirée, Dave a mentionné qu’il était capable de se passer de la sexualité. De son côté, l’agent d’infiltration a raconté les circonstances dans lesquelles il avait découvert qu’il était pédophile. Avant de partir, Dave a remis son numéro de cellulaire à l’agent d’infiltration.

      1. L’installation de logiciels et les mesures de précaution

  1. À la suite de certains échanges de courriels, l’agent d’infiltration a de nouveau rencontré l’accusé à son domicile le 24 avril 2015. Il a apporté son ordinateur personnel et l’accusé lui a installé plusieurs logiciels et l’a conseillé quant à l’utilisation de son ordinateur et de l’Internet. Entre autres, il lui a montré comment se servir de la navigation privée et de l’extension permettant de cacher son adresse IP. Il lui a expliqué comment nettoyer son ordinateur et comment effacer des fichiers efficacement. Il lui a aussi montré comment cacher les hyperliens relatifs à WebBLeu et aux forums BL pour éviter qu’ils ne soient visibles lorsque l’ordinateur est ouvert.

  2. Au cours de cette rencontre, l’accusé a plus amplement décrit le fonctionnement, la structure et les ramifications de son système de courriel sécurisé WebBLeu ainsi que des projets d’avenir à ce sujet. En présence de l’agent, il a discuté via Skype avec un dénommé Denis afin de régler un problème affectant le service de courriel.

  3. Plus tard en soirée, Dave Turcotte s’est joint à eux et ils ont parlé de films à voir en tant que BL. Il a été question de films des années 50 et 60 où l’on voit des scènes de nudité de jeunes enfants qui ne pourraient plus se faire aujourd’hui. À la fin de la rencontre, l’accusé a dit à Dave qu’il avait sécurisé l’ordinateur de l’agent d’infiltration « pour qu’il aille voir des sites pas catholiques ». Dave lui a dit « fais attention, mets-toi pas dans la marde » et l’accusé a rétorqué qu’il ne lui avait pas dit où aller voir.

      1. La rencontre du 4 mai 2015

  1. Le 4 mai 2015, l’agent d’infiltration a rencontré l’accusé à son domicile. Il a d’abord été question des « posts » que l’agent avait émis sur les forums publics et des réponses qu’il avait reçues. Puis l’accusé a décrit ses quatre priorités en lien avec WebBLeu : la migration du service courriel; la boutique; les forums; et l’émission de radio.

  2. L’agent a ensuite informé l’accusé qu’il avait des nouvelles concernant son jeune voisin. Il lui a dit qu’il avait récemment remarqué que le jeune garçon venait davantage vers lui. L’accusé lui a alors indiqué qu’il fallait laisser le jeune faire les affaires et que c’était important d’être patient et de ne pas provoquer ni brusquer les situations. Il lui a dit qu’il « va falloir que tu t’arranges pour qu’il aille à tes intentions » en précisant que si les choses ne venaient pas du jeune, ça pourrait le mettre en danger.

  3. L’accusé a indiqué que la plupart des jeunes n’avaient aucun intérêt sexuel avant 14 ans. Il lui a dit de ne pas se faire trop d’attentes par rapport à cela puisque le jeune était peut-être hétérosexuel et pourrait n’avoir aucun intérêt envers lui. L’accusé a signalé qu’il devait justifier sa présence auprès de cet enfant et expliquer pourquoi il n’avait pas de blonde. Il a répété que dans son cas, il utilisait le fait d’être gai comme couverture. Évoquant certaines expériences personnelles, il a donné certains autres exemples de situations auxquelles il devait être prêt à réagir. Il a dit à l’agent qu’il fallait « manipuler sur les affaires qui font ton affaire ». Puis, il lui a suggéré de prendre une photo du jeune garçon.

  4. Sur un autre sujet, l’agent a révélé à l’accusé qu’il avait fait des recherches sur Internet en utilisant des termes que ce dernier lui avait proposés. Il a dit qu’il avait voulu lui transmettre une image sur son compte WebBLeu mais qu’il ne l’avait pas fait. L’accusé lui a dit de ne pas lui envoyer de photos et que c’était un risque complètement inutile. Il l’a référé aux règlements WebBLeu qui précisent que c’est interdit. Il a dit qu’il n’y avait rien d’illégal sur son ordinateur tout en soulignant qu’il ne regarde pas ce que les autres envoient. Il lui a suggéré de la scanner, de l’imprimer, de la montrer, mais de ne pas envoyer d’image par courriel. Et il lui a dit que quand il veut voir, il va sur Internet et utilise tous les programmes une fois qu’il a terminé.

  5. Toujours en présence de l’agent d’infiltration, l’accusé s’est ensuite dirigé aux ordinateurs de la véranda pour effectuer des recherches d’images de jeunes garçons nus à l’aide du moteur de recherche Google Images. Il a cliqué sur certaines images en les commentant. L’agent d’infiltration a subséquemment quitté les lieux.

  6. Notons qu’au cours de cette rencontre, l’accusé a transmis des courriels sécurisés à deux de ses amis BL dans le but de les présenter à l’agent d’infiltration. Dans des courriels subséquents, il a confirmé que l’un d’eux – un dénommé capitaine kid – avait accepté d’échanger avec l’agent d’infiltration. Il a précisé qu’il le connaissait depuis 15 ans et qu’il était en sécurité avec lui.

      1. La rencontre du 1er juin 2015

  1. Lors de la rencontre du 1er juin 2015, l’accusé et l’agent d’infiltration ont parlé de la nécessité de recruter une troisième personne pour le projet de tribu garçons dragon. Lorsqu’il a été question de placer une annonce à cet effet, l’accusé a mentionné « qu’on ne peut pas dire qu’on est pédophiles » puisqu’on attirerait l’attention des policiers et, encore pire, des journalistes. Plusieurs aspects du projet ont été abordés au cours de la discussion.

  2. Durant la rencontre, l’agent d’infiltration lui a montré une photo qu’il avait prise de son jeune voisin et lui a montré. À ce sujet, l’accusé lui a conseillé de laisser le jeune prendre des photos par lui-même et que ça allait mieux passer. Il lui a aussi suggéré de se rendre à une piscine publique avec l’enfant. Lorsque l’agent a évoqué certaines craintes par rapport à cela, l’accusé l’a réconforté en lui disant que plus il le ferait, plus il aurait l’air naturel. Il lui a ensuite suggéré de parler de sa ferme au jeune garçon pour que ce dernier demande d’y venir de lui-même. Il a aussi dit à l’agent de préparer ses propres parents pour qu’ils ne soient pas étonnés lorsqu’il s’y présentera avec le jeune.

  3. Lors de la rencontre, l’agent a confirmé à l’accusé qu’il avait répondu à capitaine kid. Il a quitté les lieux après qu’ils eurent discuté du fait que le serveur WebBLeu avait été hors fonction en raison de certaines mises à jour.

      1. La rencontre du 15 juin 2015

  1. Au cours de cette rencontre, l’accusé et l’agent d’infiltration ont effectué un suivi relativement à l’annonce visant à recruter une troisième personne pour la tribu garçons dragon. L’accusé a effectué des vérifications dans la boite courriel sécurisée de l’agent d’infiltration à ce sujet. Au cours de la discussion, l’agent a informé l’accusé qu’il avait suivi certains de ses conseils en lien avec son jeune voisin. Il a dit lui avoir parlé de sa ferme et avoir informé ses parents de l’idée d’inviter un jeune homme pour la visiter.

  2. Durant la rencontre, l’accusé a mentionné que la Sûreté du Québec s’était présentée à son domicile mais qu’il ne pensait pas que les policiers avaient fouillé dans ses choses. Il a dit qu’en tant que BL, ils n’étaient pas à l’abri du hasard.

      1. La rencontre du 6 juillet 2015

  1. À la suite d’autres échanges courriels, l’agent a de nouveau rencontré l’accusé à son domicile. Discutant au départ de la panne de WebBLeu, l’accusé a évoqué sa migration éventuelle vers un nouveau serveur se trouvant également à son domicile. Relativement à la tribu garçons dragon, il a mentionné qu’aucune réponse n’avait été reçue et qu’il rencontrerait les dirigeants de Bicolline pour leur exposer son idée.

  2. À son arrivée chez l’accusé, Dave Turcotte a mentionné qu’il arrivait de son camp scout qui ne s’était pas très bien déroulé. Sans donner véritablement de détails à ce sujet, il a évoqué un conflit avec une autre monitrice qui se trouvait sur place. Au fil des discussions, il a mentionné qu’il avait vu un jeune garçon tout nu dans le contexte où il s’était retrouvé seul avec lui pour tenir sa serviette afin qu’il puisse se changer. En lien avec le conflit, Dave a souligné qu’il allait peut-être quitter les scouts.

  3. Au cours de la discussion, Dave et l’accusé ont élaboré divers scénarios pour nuire ou faire peur à la monitrice en question. Il a été question de faire une fausse plainte contre elle à la DPJ pour des attouchements contre un jeune enfant. Il a aussi été question que l’agent d’infiltration prétende être le conjoint gai de Dave. Selon l’accusé, l’organisation scout n’oserait pas s’en prendre à des gais.

  4. Plus tard au cours de la soirée, l’agent d’infiltration a relaté les derniers développements concernant son jeune voisin. Lorsqu’il a confirmé que ce dernier allait finalement venir à sa ferme, l’accusé a souri et a mentionné qu’il avait bien écouté ses conseils. En lien avec ce développement, Dave s’est questionné quant à la réaction des parents de l’agent d’infiltration face à cette visite. Dave a mentionné que ses propres parents se doutaient qu’il était pédophile mais qu’ils ne l’avaient jamais confronté.

  5. Peu après cette discussion, Dave leur a montré environ 25 séquences vidéo du camp scout. Lors du visionnement, Dave et l’accusé ont formulé des commentaires sur la beauté des jeunes garçons. Dave a mentionné que l’on voyait quasiment la graine de l’un d’eux. Après le visionnement, Dave s’est servi du logiciel permettant de nettoyer les traces laissées sur son ordinateur. La rencontre s’est terminée peu après.

      1. L’expulsion de Dave Turcotte

  1. Le 22 juillet 2015, Dave Turcotte a transmis un message à l’agent d’infiltration l’informant qu’il avait été mis à la porte des scouts de St-Hilaire. L’agent lui a répondu qu’il était déçu pour lui.

      1. La rencontre du 27 juillet 2015

  1. Dès le début de leur rencontre du 27 juillet 2015, l’accusé et l’agent d’infiltration ont discuté de l’expulsion en question. Soulignant que Dave était un outsider puisqu’il n’avait pas d’enfant dans les scouts, l’accusé a expliqué avoir entrepris certaines démarches avec lui afin de lui trouver une nouvelle meute. Soulignant qu’il s’était lui‑même fait mettre dehors des scouts il y a plusieurs années, l’accusé a relaté que cela faisait suite à une histoire impliquant un jeune garçon et de la jalousie. Il a brièvement parlé de cet événement ainsi que de certaines relations qu’il a eues avec des garçons.

  2. Après que l’accusé eut discuté de sa rencontre à Bicolline, l’agent d’infiltration lui a indiqué qu’il avait dû annuler la visite à la ferme de son jeune voisin en raison d’un empêchement. Il a cependant souligné qu’il avait prévu aller magasiner un sac d’école avec lui.

      1. La rencontre du 17 août 2015

  1. Au cours de la rencontre du 17 août 2015, l’accusé a essentiellement fait le compte rendu à l’agent d’infiltration de sa récente visite à Bicolline en lien avec le projet de tribu. Il a souligné que deux BL qui sont en France seraient intéressés à s’impliquer, dont Denis, qui s’occupe de ses serveurs à distance. En ce qui a trait à Dave, il a été mentionné qu’il attendait toujours certaines réponses concernant des démarches pour réintégrer sa meute de scouts ou s’en trouver une nouvelle. Et relativement au jeune voisin, l’agent d’infiltration a indiqué qu’il était toujours prévu qu’il vienne à sa ferme.

      1. La rencontre du 14 septembre 2015

  1. À la rencontre suivante, l’agent d’infiltration a rencontré Dave Turcotte et l’accusé. La rencontre visait à discuter d’un projet dans lequel ils seraient tous les trois impliqués. D’entrée de jeu, l’agent d’infiltration les a informés que son voisin était venu à la ferme et que tout s’était bien passé. Mentionnant que l’ami de son jeune voisin viendrait possiblement à la ferme lors d’une prochaine visite, l’agent d’infiltration a souligné que cela visait à éviter que la jalousie s’installe entre eux. Devant cette explication, qui correspondait à l’un de ses conseils, l’accusé a commenté que l’agent d’infiltration était un bon élève.

  2. Au cours de la discussion, il a été question du fait que Dave n’avait pas été réintégré dans la meute de scouts de St-Hilaire. Lorsque Dave a évoqué l’idée de devenir Grand Frère, l’accusé a discuté d’un incident impliquant un dénommé Jessy qui aurait été impliqué dans cet organisme. En réponse à Dave qui s’interrogeait sur la façon de déclencher des occasions, l’accusé a répondu « qu’il faut que ça vienne du flot ». L’accusé a ensuite évoqué des relations qu’il avait eues avec certains jeunes qui ne l’avaient pas dénoncé.

  3. Toujours au cours de cette même discussion, Dave s’est un peu fâché face à la perception de la société envers les BL. En lien avec cette réaction, l’accusé a mentionné qu’il avait déjà eu l’idée de s’adresser aux droits de la personne pour questionner ce qu’il y avait de mal à être pédophile étant donné que la pédophilie est une orientation sexuelle. C’est pour éviter les réactions qu’il ne l’aurait finalement pas fait.

      1. La dernière rencontre chez l’accusé

  1. Après certains courriels, le trio s’est entendu pour se rencontrer le 16 novembre 2015. À cette occasion, Dave a expliqué les derniers développements concernant son implication dans les scouts. En lien avec le fait que le gouvernement libéral avait proposé d’accepter 25 000 réfugiés syriens, Dave a lancé l’idée d’en adopter un. À cet égard, l’accusé a souligné qu’il s’agissait d’une bonne place pour recruter des jeunes enfants pour la meute. L’accusé a aussi donné des détails concernant la raison du mauvais fonctionnement du site WebBLeu.

  2. Lors de la discussion, Dave a souligné à l’agent d’infiltration que la piscine olympique serait un bel endroit pour emmener son jeune voisin. À la fin de la rencontre, il a été question d’un CD comportant des photos et vidéos porno que l’accusé avait en sa possession, et qui lui avait apparemment été remis par un dénommé Roger. Malgré l’insistance de Dave, l’accusé a refusé de lui montrer.

  3. Après cette rencontre, l’agent d’infiltration n’a plus revu l’accusé.

  4. Lors du contre-interrogatoire, l’agent d’infiltration a expliqué la procédure qu’il a suivie pour sa prise de notes ainsi que pour se remémorer les propos tenus par l’accusé et les autres sujets. Il a confirmé que chaque rencontre était suivie d’un debriefing au cours duquel il décrivait les grandes lignes des discussions et en rédigeait les faits saillants. Le lendemain, il rédigeait ses notes personnelles de manière à ce qu’il puisse se remémorer les événements et se rafraichir la mémoire. En préparation de son témoignage, il a révisé ses notes et les courriels échangés afin de rapporter le plus fidèlement possible les paroles de l’accusé et le contenu des rencontres.

    1. La perquisition subreptice de juin 2015

  1. En cours d’enquête, la Sûreté du Québec a exécuté une perquisition subreptice à la résidence de l’accusé. Cette perquisition a été autorisée par mandat. Au moment de son exécution, l’opération d’infiltration était toujours en cours. Prétextant qu’un examen du domicile de l’accusé était nécessaire, les policiers ont fouillé et copié le contenu de certains ordinateurs et items se trouvant sur place. La perquisition en question s’est déroulée le 11 juin 2015.

    1. La perquisition de janvier 2016

  1. Le 27 janvier 2016, tôt le matin, les policiers ont procédé à l’arrestation de l’accusé à sa résidence. Ils ont ensuite exécuté une perquisition autorisée par mandat. Au cours des heures suivantes, ils ont saisi, entre autres, les tours d’ordinateur et la clé USB se trouvant dans la véranda, des disques durs, les serveurs se trouvant dans le salon, une arme à feu et des munitions découvertes dans la chambre de l’accusé, deux valises comportant des photos d’enfants, ainsi que les moules permettant de confectionner des bijoux à l’effigie des BL et GL.

    1. Le fruit des perquisitions

  1. En l’absence d’admission de la part de la défense, neuf policiers ont témoigné relativement au rôle qu’ils ont joué et aux gestes qu’ils ont posés en lien avec l’exécution des deux perquisitions, la récupération et l’analyse des données, ainsi que la préservation de leur intégrité. Les objets saisis, incluant l’arme, la clé USB et les autres items électroniques, ont été produits en preuve.

  2. Au procès, Mme Pigeon a décrit les gestes qu’elle a posés à titre de responsable des pièces à conviction. M. Petit a relaté son implication dans le cadre de la perquisition de janvier 2016. MM. Piché et Dufour, qui sont membres de la section technologique, ont décrit les gestes qu’ils ont posés afin d’acquérir, de conserver et d’analyser les données se trouvant sur les items électroniques, tout en préservant leur intégrité. M. Piché a expliqué le processus qu’il a mis en place pour procéder à l’analyse de ces données. Mmes Dauphinais, Deblois et Grenier-Fontaine, ainsi que MM. Dumas et Forget, ont décrit le travail d’analyse qu’ils ont accompli en lien avec les items saisis.

  3. Soulignons que les perquisitions électroniques ont permis d’extraire plusieurs éléments de preuve qui ont été déposés au procès. Le Tribunal référera à certains items spécifiques plus loin dans le présent jugement. Pour l’instant, il suffit de mentionner qu’il ressort de ces témoignages :

  • Que la clé USB saisie dans la véranda, sur le bureau, à proximité des ordinateurs personnels de l’accusé, comportait des images et vidéos constituant de la pornographie juvénile;

  • Que l’un des mots de passe pour accéder aux documents de la clé USB était « jaimeY »;

  • Que la clé comportait des tableaux comportant l’ensemble des mots de passe permettant de gérer le serveur WebBLeu et les services informatiques créés et dirigés par l’accusé;

  • Qu’en raison de son contenu, cette clé appartenait et était utilisée par l’accusé; et

  • Que des doublons des fichiers de pornographie juvénile se trouvant sur la clé USB se trouvaient également sur le disque dur de l’un des deux ordinateurs de la véranda.

  1. Le Tribunal ne peut retenir l’argument de la défense à l’effet que la preuve du ministère public est en l’espèce déficiente et insuffisante pour étayer ces faits et mener à ces conclusions factuelles. Contrairement à ce que prétend la défense, il n’était pas essentiel pour le ministère public de faire entendre un expert à cet égard12. Le poids d’une preuve circonstancielle et les inférences raisonnables que l’on peut en tirer dépendra toujours de l’analyse de l’ensemble des circonstances d’un cas précis. En l’espèce, la valeur probante des divers éléments de preuve présentés, et l’effet conjugué de ces éléments, permet de tirer les inférences mentionnées plus haut.

    1. La déclaration extrajudiciaire de l’accusé

  1. À la suite de son arrestation, l’accusé a été interrogé par les policiers. Il a librement et volontairement donné une déclaration vidéo de plus de 12 heures en lien avec la présente affaire. Bien qu’il ait refusé de répondre à certaines questions spécifiques concernant les allégations de contacts sexuels à l’endroit d’Y et X, il a confirmé plusieurs autres aspects de la preuve.

  2. Entre autres, il a affirmé qu’il est l’un des fondateurs de WebBLeu qui a été créé en 2003; qu’il offre un service de courriel sécurisé et encrypté destiné aux pédophiles; qu’il gère les opérations quotidiennes de ce service, incluant l’ouverture de comptes; que les serveurs informatiques sont à son domicile; qu’il détermine les adresses courriels des usagers; qu’il paie pour les noms de domaine Internet; qu’il a établi la politique d’utilisation du service; que le service est payant; que l’argent lui est transmis de manière anonyme via LATMS; qu’un collaborateur français l’assiste dans l’administration du service; et qu’il a créé la boutique bleue qui vend des bijoux destinés aux BL et GL.

  3. Relativement aux ordinateurs et serveurs, il a confirmé que les deux ordinateurs dans la véranda sont ses ordinateurs personnels; qu’il utilise des mots de passe complexes qui sont répertoriés sur sa clé USB personnelle; et que le serveur du salon héberge les services WebBLeu.

  4. Concernant la pornographie juvénile sur Internet, il a confirmé y avoir accédé pour sa « consommation personnelle ». Il a aussi mentionné que son implication dans le milieu BL avait débuté en 1999, qu’il a fait du « militantisme actif », qu’il connait Dave Turcotte depuis environ 15 ans, et qu’il avait fait des activités avec de jeunes garçons sur le voilier de Jean-Marc Saint-Hilaire.

    1. L’écoute électronique

  1. En cours d’enquête, certaines communications de l’accusé ont été interceptées au moyen de micros installés subrepticement à son domicile. Lors du procès, le ministère public en a fait entendre quelques-unes. Le Tribunal traitera davantage de cette preuve plus loin dans le présent jugement.

  1. LA PREUVE EN DÉFENSE

  1. Se décrivant numismate et andragogue, l’accusé a donné sa version des faits relativement aux gestes sexuels qu’il aurait posés à l’endroit de X et Y. Sous réserves de certaines nuances, il a confirmé de nombreux aspects des témoignages rendus par les deux victimes alléguées.

  2. En ce qui a trait à X, l’accusé a confirmé l’avoir connu en 1978 alors qu’il avait son propre foyer d’accueil où il hébergeait plusieurs jeunes garçons. X avait selon lui 10 ou 11 ans à son arrivée au foyer. Il bégayait beaucoup et parlait très peu. Il éprouvait un lourd retard dans son développement.

  3. Selon l’accusé, X est demeuré avec lui jusqu’à sa majorité. L’accusé était son éducateur. Ils ont cohabité ensemble, seuls, pendant une certaine période de temps. X a aussi résidé chez les parents de l’accusé. Durant cette période, ils continuaient à se voir sur une base régulière. L’accusé avait, selon ses propres dires, pris l’éducation de X en charge.

  4. Questionné relativement aux contacts sexuels survenus entre eux, l’accusé les a admis et qualifiés de « jeux sexuels épisodiques ». Il a soutenu que X avait 14 ans lorsque cela a débuté. Et que c’est ce dernier qui en était généralement l’initiateur.

  5. En contre-interrogatoire, l’accusé a apporté les précisions suivantes :

  • Qu’il s’agissait de masturbations, de massages, de caresses et de fellations;

  • Qu’à l’époque, X était « un ado » de « 14-15 ans » et qu’ils ne formaient pas un couple;

  • Qu’ils ne « faisaient pas l’amour » mais s’adonnaient plutôt à des « espèces de jeux sexuels »;

  • Que cela arrivait de manière « comme spontanée »;

  • Que cela survenait « peut-être une fois par semaine » et « plus souvent l’été parce qu’il n’y avait pas d’école »;

  • Qu’à deux occasions, X lui aurait demandé de le sodomiser : la première fois, il aurait refusé; la seconde, cela n’aurait pas fonctionné; et

  • Que les contacts sexuels ont continué jusqu’à ce que X atteigne la majorité.

  1. Questionné par la poursuite quant aux circonstances du premier contact entre eux, l’accusé a dit que cela était survenu sous la douche. Il a dit qu’il avait alors « possiblement » masturbé X mais qu’il ne pouvait se rappeler s’il y avait eu éjaculation. En contre-interrogatoire, l’accusé a indiqué que la travailleuse sociale chargée du dossier de X n’était pas au courant de leurs contacts sexuels. Il a dit ne pas l’avoir mise au courant puisqu’il s’agissait « de sa vie privée ». Les parents de l’accusé ne savaient pas, eux non plus, qu’il avait des contacts sexuels avec un mineur sous sa responsabilité.

  2. En ce qui concerne Y, l’accusé a confirmé l’avoir rencontré au foyer d’accueil […] en 2000. Il a été l’un de ses éducateurs jusqu’à l’été 2001. Durant cette période, l’accusé était très près de Y. Il était son préféré. Il a confirmé lui avoir fabriqué un capteur de rêves qu’il a accroché au-dessus de son lit. Cet objet comportait des plumes et une lumière rouge. Il avait pour but de repousser les cauchemars.

  3. Relativement aux gestes reprochés, l’accusé a confirmé s’être servi de l’une des plumes du capteur de rêves auprès de Y alors qu’il était seul avec lui dans sa chambre. Selon lui, il n’aurait toutefois pas utilisé la plume sous son pyjama; il lui aurait strictement flatté « le haut des cuisses » et le « bas du ventre » dans le but de le faire sourire et de le calmer après qu’il eut été placé en punition. Cela aurait duré plusieurs minutes. Par la suite, il lui aurait dit « si t’aimes ça, tu es capable de le faire toi-même ».

  4. En réponse aux allégations concernant les gestes posés dans la salle de bain, l’accusé les a démenties et a nié avoir touché le pénis de Y dans les circonstances décrites par ce dernier. En ce qui a trait aux becs, l’accusé a concédé qu’il a embrassé Y sur la bouche à certaines occasions. Selon lui, ce comportement était bénin et inoffensif.

  5. L’accusé a expliqué qu’il a quitté le foyer d’accueil à l’été 2001 puisque la direction considérait qu’il était trop proche des garçons et qu’il leur touchait trop. Il a concédé qu’à la suite de son départ, il a entrepris certaines démarches juridiques afin de devenir la famille d’accueil de Y et de son frère. Au fil du temps, il lui a été interdit de communiquer et d’entrer en contact avec Y. Au final, ses démarches se sont avérées vaines.

  6. En ré-interrogatoire, l’accusé a admis qu’il a personnellement rédigé le texte intitulé « Chronique d’un Loup – Y, mon P’tit Loup »13, qui a été récupéré et saisi dans l’un des ordinateurs se trouvant à sa résidence. En réponse aux questions de son avocat, il a dit qu’il s’agissait « d’un récit littéraire » de sa relation au foyer d’accueil avec Y. En référence au contenu, il a certifié que « le fond est vrai » et « qu’il n’invente pas des choses ». Il a précisé que sa façon de raconter était influencée par le moment où le texte a été écrit et qu’il rédigeait de manière à ce que le lecteur ait autant de plaisir à le lire que lui à l’écrire.

  1. ANALYSE

    1. Le fardeau de la preuve et la présomption d’innocence

  1. Il est bien établi que toute personne inculpée d’une infraction criminelle est présumée innocente jusqu’à ce que le ministère public établisse sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Les accusés n’ont pas à prouver qu’ils sont innocents. Le Tribunal ne peut déclarer un accusé coupable que si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, il est satisfait que le ministère public a établi sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Si la preuve, l’absence de preuve, la fiabilité ou la crédibilité d’un ou plusieurs témoins laissent subsister un doute raisonnable sur la culpabilité d’un accusé, le Tribunal doit l’acquitter14.

  2. Dans R. c. Vuradin, la Cour suprême mentionne:

La question primordiale qui se pose dans une affaire criminelle est de savoir si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, il subsiste dans l’esprit du juge des faits un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé : W. (D.), p. 758.  L’ordre dans lequel le juge du procès énonce des conclusions relatives à la crédibilité des témoins n’a pas de conséquences dès lors que le principe du doute raisonnable demeure la considération primordiale.  Un verdict de culpabilité ne doit pas être fondé sur un choix entre la preuve de l’accusé et celle du ministère public : R. c. C.L.Y., [2008] 1 R.C.S. 5, par. 6‑8.  Les juges de première instance n’ont cependant pas l’obligation d’expliquer par le menu le cheminement qu’ils ont suivi pour arriver au verdict : voir R. c. Boucher,  [2005] 3 R.C.S. 499, par. 29.15

  1. Le test que le Tribunal doit appliquer lorsque la crédibilité des témoins est en cause est défini par la Cour suprême dans l’arrêt W. (D.)16. Premièrement, si le Tribunal croit le témoignage d’un accusé selon lequel il n’a pas commis la ou les infractions reprochées, il doit l’acquitter. Deuxièmement, si le Tribunal ne croit pas l’accusé, mais que la preuve qu’il présente laisse néanmoins subsister un doute raisonnable quant à sa culpabilité, le Tribunal doit l’acquitter. Troisièmement, même si le Tribunal n’a pas de doute à la suite de la déposition de l’accusé, cela ne signifie pas qu’il doit le déclarer coupable; le Tribunal doit alors se demander si, en vertu de la preuve qu’il accepte, il est convaincu hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé.

  2. En l’espèce, le test en trois étapes doit être appliqué uniquement sur les chefs pour lesquels l’accusé a choisi de témoigner. Relativement aux autres chefs, le Tribunal doit se demander si la culpabilité de l’accusé a été démontrée hors de tout doute raisonnable et constitue la seule inférence rationnelle pouvant être tirée de la preuve17.

    1. Les actes sexuels posés à l’égard de X

  1. Tel que mentionné précédemment, l’accusé a admis qu’il avait eu des contacts sexuels réguliers avec X alors que ce dernier était mineur. Il a concédé qu’ils s’adonnaient à des espèces de jeux sexuels et qu’il y avait eu masturbations, massages, caresses et fellations. Il a dit que cela survenait environ une fois par semaine et plus souvent l’été. Il a indiqué que cela avait débuté alors que X était âgé de 14 ans et s’était poursuivi jusqu’à sa majorité. À l’époque, l’accusé était dans la trentaine.

  2. Il ressort de la preuve que l’accusé était l’éducateur et le foyer d’accueil spécifique de X au moment des événements. Il avait la charge de son éducation et il était sa seule figure parentale. X éprouvait un retard dans son développement et l’accusé avait la responsabilité de l’accompagner dans son cheminement. C’est dans ce contexte spécifique d’abus d’autorité que les jeux sexuels se sont déroulés.

  3. Après analyse de toute la preuve, il est clair que la version de l’accusé n’est pas de nature à le disculper.

  4. À l’époque des événements, l’infraction d’attentat à la pudeur était définie à l’article 156 du Code criminel. L’infraction de grossière indécence était prévue à l’article 157. Dans R. c. H.H.18, le juge Alain Morand a défini le cadre juridique applicable aux dispositions en question. Il a procédé à un historique législatif et il a décrit les éléments essentiels de ces infractions. Son analyse a été effectuée dans le contexte où l’accusé soutenait, comme en l’espèce, que le plaignant, âgé de 14 et 15 ans, avait consenti aux contacts sexuels reprochés. Concluant que le consentement était invalide et vicié par l’exercice de l’autorité, le juge Morand a prononcé des verdicts de culpabilité en déterminant que tous les éléments constitutifs des infractions avaient été démontrés hors de tout doute raisonnable.

  5. Aux fins du présent jugement, le Tribunal adopte intégralement le cadre d’analyse défini par le juge Morand relativement aux infractions qui nous concernent. Par ailleurs, tenant compte de tous les faits mentionnés précédemment, le Tribunal conclut, à l’instar de ce dernier, que le consentement de X est invalide et clairement vicié par l’exercice de l’autorité. Les circonstances de la présente affaire démontrent l’existence d’une situation d’exploitation et de domination à l’égard de X. Elles révèlent aussi des conditions de dépendance et d’inégalité entre eux.

  6. Tenant compte de toute la preuve, le Tribunal conclut que l’absence de consentement valide a été démontrée hors de tout doute raisonnable. Le Tribunal conclut également que l’accusé avait l’intention coupable requise. Outre ce qui a déjà été mentionné, le Tribunal rappelle que l’accusé a mentionné, en référence à X, que « s’il parle, je me retrouve en prison ». Cette affirmation faite à l’agent d’infiltration est particulièrement révélatrice de l’état d’esprit de l’accusé par rapport à son comportement et sa conduite répréhensible.

  7. Au final, tous les éléments constitutifs des infractions d’attentat à la pudeur et de grossière indécence ont été établis hors de tout doute raisonnable. En conséquence, l’accusé est déclaré coupable des chefs 12 et 13.

    1. Les actes sexuels posés à l’égard de Y

  1. Par ailleurs, après avoir analysé la preuve, le Tribunal n’a aucune hésitation à affirmer qu’il ne croit pas l’accusé lorsqu’il dément avoir touché Y à des fins d’ordre sexuel. Sa déposition n’est également pas de nature à laisser subsister de doute raisonnable à cet égard.

  2. Après avoir entendu et observé l’accusé lors de son témoignage, il est clair qu’il minimise les circonstances des gestes posés au moyen de la plume du capteur de rêves. Son affirmation à l’effet qu’il lui aurait strictement flatté « le haut des cuisses » et le « bas du ventre » est incompatible avec la description très explicite de cet événement qu’il a lui‑même rédigée.

  3. Rappelons que le texte intitulé « Chroniques d’un Loup – Y mon P’tit Loup » a été trouvé en la possession de l’accusé lors de la perquisition électronique de son domicile. L’un des chapitres de ce texte, intitulé La Petite Plume, décrit expressément et distinctement les circonstances des gestes qu’il a posés au moyen de la plume du capteur de rêves. La description qu’on y retrouve est analogue à celle faite par Y lors de son témoignage à la Cour. Les circonstances de l’utilisation de la plume sont particulièrement explicites et précises. Sans les reprendre de manière intégrale, disons simplement qu’elle est utilisée sous les vêtements de Y pendant une longue période, et ce, à des fins d’ordre sexuel évidentes.

  4. Les divers chapitres des Chroniques d’un Loup décrivent de manière extrêmement détaillée l’évolution et les diverses étapes de la relation de l’accusé avec Y. Ces textes ont été rédigés de manière contemporaine aux événements pour un forum BL. À la première page, on retrouve une note précisant qu’ils ont été écrits avant que l’accusé ne quitte le foyer d’accueil où il travaillait comme éducateur. Les faits qu’on y retrouve sont entièrement compatibles avec le témoignage de Y concernant la nature de ses rapports avec l’accusé. Ils confirment d’ailleurs l’obsession maladive de l’accusé envers Y.

  5. Dans son témoignage au procès, l’accusé a affirmé qu’il avait utilisé la plume sur le corps de Y à des fins autres que sexuelles. Cette affirmation est incompatible avec le récit qu’il a lui-même rédigé et dont il a admis être l’auteur. Rappelons qu’en réponse aux questions de son avocat, l’accusé a confirmé le caractère véridique du fond de ce récit. Il a spécifiquement mentionné « qu’il n’invente pas les choses ».

  6. Au vu de toutes ces réponses, il est manifeste que l’accusé n’a pas été transparent lors de son témoignage au procès. Il est clair qu’il a considérablement minimisé la nature des gestes posés à l’endroit du jeune garçon. Son récit des faits est incohérent et incompatible avec la preuve matérielle sur des aspects essentiels. Le Tribunal ne le croit pas et sa version ne laisse subsister aucun doute raisonnable quant à la nature des gestes qu’il a posés.

  7. Cela dit, le Tribunal a analysé le témoignage de Y dans le contexte général de la preuve. Son récit est clair, détaillé et dépourvu d’incongruité. Sa narration des événements est précise, empreinte d’authenticité, et dénuée d’exagérations.

  8. Rien dans son contre-interrogatoire ne porte ombrage à la fiabilité de son témoignage ou à sa crédibilité en général. De plus, certains aspects de son témoignage sont confirmés par des éléments extrinsèques.

  9. En somme, après analyse de l’ensemble de la preuve, le Tribunal est convaincu hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’accusé sur l’ensemble des gestes décrits par Y. Par voie de conséquence, il est déclaré coupable des chefs 14 et 15.

    1. L’arme à feu

  1. Lors de la perquisition du 27 janvier 2016, une arme à feu de calibre 22 Long Riffle Annulaire a été découverte dans le haut de la garde-robe de la chambre à coucher de l’accusé, avec ses munitions. Ces items étaient librement accessibles sans être verrouillés. Le rapport balistique produit au procès démontre qu’il s’agit d’une arme à feu sans restriction au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel. Au moment de sa saisie, l’arme était fonctionnelle et les munitions qui se trouvaient à proximité étaient compatibles.

  2. L’article 117.11 du Code criminel prévoit que le ministère public bénéficie d’un renversement de fardeau de preuve dans le cadre des poursuites intentées en vertu l’article 91 du Code criminel. Il incombe en effet à l’accusé, en ce domaine, de prouver qu’il est titulaire d’un permis l’autorisant à posséder une arme à feu.

  3. En l’espèce, l’accusé n’a présenté aucune preuve à ce sujet. Les circonstances de la saisie permettent d’inférer qu’il avait la possession de l’arme en question. Et l’article 117.11 permet de conclure qu’il n’était pas titulaire d’un permis.

  4. Les circonstances de la saisie permettent aussi d’inférer que l’arme et ses munitions étaient entreposées d’une manière négligente et sans prendre suffisamment de précaution pour la sécurité d’autrui. Il a été démontré, à ce titre, que le comportement en cause s’écarte de façon marquée par rapport à la norme de diligence qu’aurait observée une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.

  5. Dans ce contexte, le ministère public a établi chacun des éléments essentiels de ces infractions hors de tout doute raisonnable. L’accusé est donc déclaré coupable des chefs 10 et 11.

    1. Les conseils à l’agent d’infiltration

  1. Le fait de conseiller à quelqu’un de commettre un crime constitue une infraction prévue à l’article 464 du Code criminel :

464. Conseiller une infraction qui n’est pas commise – Sauf disposition expressément contraire de la loi, les dispositions suivantes s’appliquent à l’égard des personnes qui conseillent à d’autres personnes de commettre des infractions :

a) quiconque conseille à une autre personne de commettre un acte criminel est, si l’infraction n’est pas commise, coupable d’un acte criminel et passible de la même peine que celui qui tente de commettre cette infraction;

b) quiconque conseille à une autre personne de commettre une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire est, si l’infraction n’est pas commise, coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. [Nos soulignés]

  1. La nature et la portée de cette infraction ont été définies par les tribunaux d’appel au fil des ans19. Dans l’arrêt R. c. Hamilton20, la Cour suprême traite des éléments essentiels de ce crime. En ce qui a trait à l’actus reus, la Cour mentionne :

[15] L’actus reus de l’infraction consistant à conseiller la perpétration d’un acte criminel sera établi si les documents envoyés ou les affirmations faites par l’accusé encouragent activement ou préconisent — et ne décrivent pas simplement — la perpétration d’une infraction : R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45, 2001 CSC 2, par. 57, la juge en chef McLachlin.

  1. Plus loin, la Cour ajoute ce qui suit :

[29] En résumé, l’actus reus de l’infraction consistant à conseiller un crime réside dans le fait d’encourager délibérément ou d’inciter activement la perpétration d’une infraction criminelle. Et la mens rea n’est rien de moins que l’intention concomitante ou le mépris conscient du risque injustifié et important inhérent aux conseils. Il faut donc démontrer soit que l’accusé voulait que l’infraction conseillée soit commise, soit qu’il a sciemment conseillé l’infraction alors qu’il était conscient du risque injustifié que l’infraction conseillée serait vraisemblablement commise en conséquence de sa conduite.

  1. Dans R. v. Devitt21, la Cour d’appel de l’Ontario précise que :

[8] Counselling by procuring or inciting another to commit an offence does not require that the inciter originate or initiate the transaction. Counselling the commission of an offence that is not committed is an inchoate or preliminary crime complete when the solicitation occurs even if the person incited rejects the solicitation or merely feigns assent: R. v. Root, 2008 ONCA 869, at paras. 85-86. Proactivity of the counsellor is not an essential element of the offence.

  1. En l’espèce, la nature et la portée des discussions intervenues entre l’accusé et l’agent d’infiltration sont exposées aux paragraphes 21 à 93 du présent jugement. Il ressort de cette preuve non contredite que l’agent s’est présenté à l’accusé comme un pédophile recherchant des relations avec des jeunes garçons d’environ 10 ou 11 ans. Dès la première rencontre, l’accusé lui a mentionné que la pédophilie était une orientation sexuelle plutôt qu’une déviance. Dans un courriel, il lui a aussi écrit qu’il était à l’aise avec « les différentes orientations affectives et sexuelles minoritaires » telles la pédophilie et la pédérastie.

  2. La preuve révèle que l’accusé a agi comme véritable mentor auprès de l’agent d’infiltration. Sur une période de plusieurs mois, il lui a donné des conseils afin qu’il puisse se placer dans une situation lui permettant d’exploiter la vulnérabilité de jeunes garçons. Sachant qu’il souhaitait avoir des contacts intimes et sexuels avec des jeunes de 10 ou 11 ans, il l’a conseillé et épaulé relativement aux diverses approches lui permettant de s’entourer de jeunes garçons. Puisant plusieurs fois dans ses expériences personnelles antérieures, il lui a parlé de l’attitude à adopter pour ce faire. Il lui a dit qu’il n’aurait pas de problème avec la police si c’est bien fait. Il a référé à des relations où les jeunes ne l’ont pas dénoncé. Il lui a parlé de l’importance d’avoir l’air naturel et d’être patient. Il lui a donné des conseils spécifiques relativement à son jeune voisin. Et il l’a présenté à d’autres BL qui ont partagé certaines de leurs expériences personnelles avec lui.

  3. Dans l’ensemble, l’agent d’infiltration a témoigné de manière détaillée et précise. Son récit est cohérent et compatible avec le contenu des courriels échangés avec l’accusé. Il a pris des notes de manière contemporaine aux événements afin de se remémorer le contenu des discussions. Il a rapporté les paroles de l’accusé avec transparence et sans exagération. Son témoignage est non contredit et le contre-interrogatoire de la défense n’a révélé aucune véritable contradiction, incohérence, minimisation ou exagération.

  4. Sans reprendre tous les éléments mentionnés précédemment, le Tribunal conclut que par ses agissements, son comportement et les paroles qu’il a prononcées sur une période de plusieurs mois, l’accusé a conseillé à l’agent d’infiltration d’avoir des contacts sexuels avec des garçons de 10 ou 11 ans, et ce, contrairement à l’article 464 du Code criminel tel qu’interprété par la jurisprudence.

  5. Bien qu’il ait mentionné qu’il ne voulait pas être complice d’un acte criminel, et en dépit de la distinction qu’il faisait entre plaisirs et désirs, il est très clair que par ses gestes et paroles, il a délibérément encouragé et activement incité la perpétration de cette infraction. Il est également indubitable, pour paraphraser la Cour suprême dans l’arrêt Hamilton, qu’il était conscient du risque injustifié que l’infraction ainsi conseillée soit vraisemblablement commise en conséquence de sa conduite.

  6. Par ses gestes et paroles, l’accusé s’est également rendu coupable de l’infraction d’avoir conseillé à l’agent d’infiltration d’accéder à de la pornographie juvénile. Il lui a donné une série de conseils concernant la navigation sur Internet. Il lui a installé des logiciels permettant d’effacer les traces laissées sur un ordinateur ainsi que l’extension permettant de cacher son adresse IP. Il lui a suggéré un site spécifique et des thèmes pouvant être utilisés pour ses recherches. En présence de l’agent d’infiltration, il s’est rendu sur un site comportant de la pornographie juvénile. Et il a dit à Dave Turcotte qu’il avait sécurisé l’ordinateur de l’agent d’infiltration « pour qu’il aille voir des sites pas catholiques ».

  7. Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal conclut que la poursuite a démontré chacun des éléments essentiels de ces infractions hors de tout doute raisonnable. L’accusé est déclaré coupable des chefs 7 et 8.

    1. Les conseils à Dave Turcotte

  1. Une conclusion identique s’impose relativement à l’infraction d’avoir conseillé à Dave Turcotte de commettre des infractions de contacts sexuels. À cet égard, une preuve non contredite révèle que l’accusé connait Dave Turcotte depuis plus de 15 ans; qu’ils se décrivent tous les deux comme étant des pédophiles et des BL; qu’ils se côtoient dans le contexte de rencontres entre BL; que Dave Turcotte a été expulsé de son organisation scouts au cours de l’été 2015; qu’à la suite de son expulsion, il a cherché conseil auprès de l’accusé pour garder contact avec l’un des garçons de sa meute; et qu’il a aussi cherché conseil auprès de l’accusé pour se trouver une nouvelle meute ou une activité impliquant des jeunes garçons.

  2. Dans la soirée du 14 juillet 2015, l’accusé a longuement discuté de scoutisme avec Dave Turcotte. Leur conversation a été enregistrée subrepticement. Sans la reprendre dans son intégralité, soulignons :

  • Que l’accusé a effectué des recherches pour trouver une nouvelle meute de scouts à Dave Turcotte;

  • Qu’il lui a parlé de son implication personnelle dans les scouts;

  • Qu’il lui a proposé des scénarios pour entrer en contact avec le jeune garçon de son ancienne meute sans éveiller de soupçons; et

  • Qu’il lui a décrit ses expériences personnelles antérieures avec trois jeunes garçons, incluant la gaffe qu’il avait commise avec l’un d’eux car il avait voulu aller « trop vite ».

  1. Par ses gestes et paroles, il est manifeste que l’accusé a agi comme mentor auprès de Dave Turcotte. Sachant que ce dernier est pédophile, il l’a assisté et conseillé dans ses démarches visant à s’entourer de jeunes garçons. Tenant compte de l’ensemble de la preuve et du contexte spécifique dans lequel les gestes ont été posés, le Tribunal conclut que l’accusé a délibérément encouragé la perpétration de l’infraction de contacts sexuels. De plus, il est clair qu’il était conscient du risque injustifié que l’infraction soit vraisemblablement commise en conséquence de sa conduite. Pour ces motifs, il est déclaré coupable du chef 9.

    1. La pornographie juvénile

  1. En ce qui a trait aux quatre chefs reprochant à l’accusé d’avoir commis des infractions de pornographie juvénile, le Tribunal conclut que sa culpabilité a été démontrée hors de tout doute raisonnable.

      1. L’accès

  1. Le paragraphe 163.1 (1) du Code criminel définit ce qui constitue de la pornographie juvénile :

163.1 (1) Au présent article, pornographie juvénile s’entend, selon le cas :

a) de toute représentation photographique, filmée, vidéo ou autre, réalisée ou non par des moyens mécaniques ou électroniques :

(i) soit où figure une personne âgée de moins de dix-huit ans ou présentée comme telle et se livrant ou présentée comme se livrant à une activité sexuelle explicite,

(ii) soit dont la caractéristique dominante est la représentation, dans un but sexuel, d’organes sexuels ou de la région anale d’une personne âgée de moins de dix-huit ans;

b) de tout écrit, de toute représentation ou de tout enregistrement sonore qui préconise ou conseille une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans qui constituerait une infraction à la présente loi;

c) de tout écrit dont la caractéristique dominante est la description, dans un but sexuel, d’une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans qui constituerait une infraction à la présente loi;

d) de tout enregistrement sonore dont la caractéristique dominante est la description, la présentation ou la simulation, dans un but sexuel, d’une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans qui constituerait une infraction à la présente loi.

  1. Le crime d’accès à de la pornographie juvénile est prévu aux paragraphes 163.1 (4.1) et (4.2) du Code criminel :

163.1 (4.1) Quiconque accède à de la pornographie juvénile est coupable :

a) soit d’un acte criminel […];

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire […].

(4.2) Pour l’application du paragraphe (4.1), accède à de la pornographie juvénile quiconque, sciemment, agit de manière à en regarder ou fait en sorte que lui en soit transmise.

  1. En l’espèce, la preuve démontre hors de tout doute raisonnable que l’accusé a accédé à de la pornographie juvénile au sens de cette disposition durant la période d’infraction. Il l’a fait en présence de l’agent d’infiltration lors de la rencontre du 3 avril 2015. Et il l’a admis au policier lors de son interrogatoire du 27 janvier 2016. Dans ces circonstances, l’accusé est déclaré coupable du chef 6.

      1. La possession

  1. Le crime de possession de pornographie juvénile est prévu au paragraphe 163.1 (4) du Code criminel :

163.1 (4) Quiconque a en sa possession de la pornographie juvénile est coupable :

a) soit d’un acte criminel […];

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire […].

  1. Les éléments essentiels de cette infraction ont été définis par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Morelli22. Au paragraphe 14, la majorité mentionne :

[14] À mon avis, le seul fait de regarder au moyen d’un navigateur Web une image stockée sur un site hébergé dans l’Internet ne permet pas d’établir le degré de contrôle nécessaire pour conclure à la possession. La possession d’images illicites exige qu’il y ait possession, d’une façon ou d’une autre, des fichiers de données sousjacents. La simple visualisation d’images en ligne constitue le crime distinct d’accès à de la pornographie juvénile, créé par le législateur au par. 163.1 (4.1) du Code criminel.

  1. Au paragraphe 66, la majorité précise :

[66] Ainsi, pour être coupable de l’infraction de possession (contrairement à l’infraction d’accès), la personne doit sciemment acquérir les fichiers de données sousjacents et les garder dans un lieu sous son contrôle. La présence des icônes est susceptible d’éveiller des soupçons quant à la possession, mais elle ne peut à elle seule étayer raisonnablement l’inférence selon laquelle l’appelant n’a pas seulement accédé au site Web et sciemment regardé des images illicites qui s’y trouvaient, mais a également pris le contrôle des fichiers de données sousjacents, notamment en les sauvegardant sur le disque dur de son ordinateur.

  1. Au paragraphe 17, la majorité ajoute :

[17] Il y a possession imputée lorsque l’accusé n’a pas la garde physique de l’objet en question, mais qu’il l’a « en la possession ou garde réelle d’une autre personne » ou « en un lieu qui lui appartient ou non ou qu’[il] occupe ou non, pour son propre usage ou avantage ou celui d’une autre personne » (Code criminel, al. 4(3)a)). Il y a donc possession imputée quand l’accusé : (1) a connaissance de la nature de l’objet, (2) met ou garde volontairement l’objet dans un lieu donné, que ce lieu lui appartienne ou non, et (3) a l’intention d’avoir l’objet dans ce lieu pour son « propre usage ou avantage » ou celui d’une autre personne.

  1. Et au paragraphe 138, elle souligne :

[138] […] il y a possession imputée lorsqu’une personne a, ne seraitce que brièvement, un contrôle — un pouvoir — sur un objet situé dans un lieu (ou un espace), qui lui appartient ou non, pour son propre usage ou avantage ou celui d’une autre personne.

  1. Dans le présent cas, une preuve non contredite démontre que les fichiers électroniques comportant des images et des vidéos de pornographie juvénile étaient physiquement stockés sur la clé USB personnelle de l’accusé. Cette clé, qui n’était pas branchée à un ordinateur, a été saisie sur son bureau, dans la véranda, le matin de la perquisition. Outre les fichiers de pornographie juvénile, la clé contenait des documents reliés à l’accusé dont l’accès était protégé par le mot de passe « jaimeY ». Des documents personnels et des mots de passe lui permettant de gérer ses serveurs encryptés ainsi que ses diverses plateformes informatiques s’y retrouvaient.

  2. La preuve démontre que ces mêmes fichiers de pornographie juvénile se trouvaient aussi sur le disque dur de l’un des ordinateurs personnels de l’accusé, et ce, à un endroit autre que la mémoire cache de l’ordinateur. La preuve ne comporte aucun indice pouvant laisser croire que les fichiers en question se sont retrouvés à ces deux endroits – qui étaient sous le contrôle de l’accusé – par inadvertance ou de manière involontaire. Notons que l’accusé a admis, dans son interrogatoire, que les ordinateurs de la véranda étaient les siens et qu’il conservait ses mots de passe sur une clé USB.

  3. Tenant compte de l’ensemble de la preuve telle que présentée, qui demeure non contredite, et dont la valeur probante est bien étayée, le Tribunal conclut que l’accusé avait en sa possession de la pornographie juvénile et s’est rendu coupable de l’infraction telle que portée. Il s’agit de la seule conclusion raisonnable et rationnelle pouvant être tirée de la preuve circonstancielle.

  4. Bien que cela soit suffisant pour entrainer un verdict de culpabilité sur le chef 5, le Tribunal tient à ajouter que certains autres items trouvés en possession de l’accusé contenaient aussi de la pornographie juvénile au sens du Code criminel. Il en est ainsi, entre autres, des revues Lolita et des Chroniques d’un Loup, dont il a précédemment été question.

      1. Rendre accessible et distribution

  1. Le paragraphe 163.1 (3) du Code criminel définit cette infraction comme suit :

163.1 (3) Quiconque transmet, rend accessible, distribue, vend, importe ou exporte de la pornographie juvénile ou en fait la publicité, ou en a en sa possession en vue de la transmettre, de la rendre accessible, de la distribuer, de la vendre, de l’exporter ou d’en faire la publicité, est coupable d’un acte criminel […].

  1. L’accusé est le fondateur de WebBLeu. Il a dirigé ses activités à compter de sa création, en 2003, jusqu’à son arrestation, en 2016. Lors de la perquisition à son domicile, les policiers ont saisi un document de 11 pages décrivant les principes directeurs de l’organisation23. Selon ce document, sa mission consiste notamment à :

1. Valoriser la pédophilie, la pédérastie et l’hébéphilie et les faire reconnaitre comme des orientations affectives et sexuelles naturelles au même titre que l’hétérophilie et que l’homophilie.

2. Changer les perceptions et les attitudes au sujet de ces orientations affectives et sexuelles et des BL et des GL; […]24

  1. Le principal service offert par WebBLeu est le service de courriel encrypté et sécurisé permettant les communications entre pédophiles :

1. Nous offrons aux BL et aux GL les moyens les plus sécuritaires, accessibles, performants et économiques possible de communiquer, de s’informer, d’apprendre, de s’entraider, d’influencer, de s’allier, de se mobiliser et de se concerter.

2. Notamment : un service courriel sécurisé 100% BL/GL qui utilise plusieurs noms de domaine dont certains sont neutres. […]25

  1. En dépit de certaines règles interdisant l’utilisation illégale de ce service, la preuve révèle qu’il a été utilisé pour échanger et stocker de la pornographie juvénile, et ce, avec la pleine approbation de l’accusé. Ceci découle d’un courriel transmis par l’accusé à un utilisateur BL :

[…] Tel que stipulé clairement sur le site-Web de Webbleu dans l’information (Club Bleu) au sujet de l’offre et de l’usage de la seconde boîte NEUTRE offerte aux BL : Anonymnet NE DOIT PAS être utilisé pour des activités ou du contenu BL et ne doit JAMAIS être associé à WebBLeu afin de protéger la sécurité de tout notre système et de ceux qui s’en occupent. […]

Tu as 2 boites d’égale capacité de stockage et d’attachement. Utilises Anonymnet pour tes contacts non-BL et WebBLeu pour tes contacts BL. Pour stocker tes photos : si elles sont légales tu peux les mettre dans l’une ou l’autre boîte mais si elles sont illégales (nus ou suggestives par exemple) ne les mets que dans WebBLeu pour ne faire courrir aucun risque à Anonymnet. En France il faut être plus prudent qu’au Québec. N’envoies rien d’illégal dans un courriel anonymnet.net.

Ne dis jamais à quelqu’un (parole ou courriel) qui sait que tu es BL qu’Anonymnet a un rapport avec WebBLeu. Fais attention si tu utilises l’ordi d’un autre.

Si tu as des difficultés pour ton stockage ou tes courriels, écris moi (courriel) et je ferai ce qu’il faudra pour t’aider. Si une de tes boites est pleine, je te l’agrandirai jusqu’à 500 Mo (on s’arrangera à ton retour s’il y a des frais au delà de 250 Mo) ou je t’en ouvrirai d’autres pour la durée de ton voyage. Je veux te faciliter les choses mais de ton côté ne fais prendre aucun risque à Anonymnet : c’est mon nom à la limite qui est derrière tout ça. Ciaô 🙂 André 🙂26 [Nos soulignés]

  1. Selon la preuve, il est manifeste que malgré les règles et politiques dites « officielles », le service courriel créé pour le bénéfice des pédophiles était utilisé à des fins illicites, et ce, avec l’assentiment complet et entier de l’accusé. Tenant compte de toutes les circonstances et des principes découlant des arrêts R. c. Spencer27 et R. c. Briscoe28, il a été démontré hors de tout doute raisonnable qu’il a participé à cette infraction. Il est donc déclaré coupable du chef 1.

      1. Production ou publication

  1. Le paragraphe 163.1 (2) du Code criminel mentionne :

163.1 (2) Quiconque produit, imprime ou publie, ou a en sa possession en vue de la publication, de la pornographie juvénile est coupable d’un acte criminel […].

  1. Bien que l’accusé n’ait pas produit d’images ou de vidéos de pornographie juvénile, la preuve démontre qu’il a produit et/ou publié certains textes correspondant à cette définition. Après analyse des documents déposés au procès, cette conclusion s’impose relativement aux pièces P-72A), P-72B), P-72C), P-85 et P-126.

  2. Lors des plaidoiries, la défense a invoqué le moyen de défense fondé sur le paragraphe 163.1 (6) du Code criminel. Dans R. c. Katigbak29, au paragraphe 14, la Cour suprême décrit ce moyen de défense de la manière suivante :

[14] […] l’accusé peut opposer le moyen de défense à une accusation de possession de pornographie juvénile s’il satisfait au critère en deux volets énoncé au par. 163.1(6), à savoir que les actes en cause ont un but légitime et qu’ils ne posent pas de risque indu. Ce paragraphe est ainsi libellé :

(6) Nul ne peut être déclaré coupable d’une infraction au présent article si les actes qui constitueraient l’infraction :

a) ont un but légitime lié à l’administration de la justice, à la science, à la médecine, à l’éducation ou aux arts;

b) ne posent pas de risque indu pour les personnes âgées de moins de dix-huit ans.

  1. Par ailleurs, au paragraphe 56, la Cour décrit la procédure applicable en cette matière :

[56] Comme nous l’expliquerons plus loin, les al. 163.1(6)a) et b) doivent être traités comme des exigences distinctes l’une de l’autre. L’accusé doit d’abord invoquer le moyen de défense en s’appuyant sur des faits à même de soulever un doute raisonnable quant à savoir si les deux exigences sont satisfaites, après quoi il incombe au ministère public d’établir hors de tout doute raisonnable que l’une ou l’autre de celles-ci ne l’est pas.

  1. En l’espèce, tenant compte de la nature et du contenu des écrits en cause ainsi que de l’ensemble de la preuve, les faits invoqués par la défense ne sont pas de nature à étayer les deux exigences cumulatives qui se rattachent à ce moyen de défense. L’accusé est conséquemment déclaré coupable du chef 3.

  1. CONCLUSION

  1. Tenant compte de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que la culpabilité de l’accusé a été démontrée hors de tout doute raisonnable sur les chefs 1, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et 15.

  2. Le Tribunal rappelle qu’un acquittement a déjà été prononcé sur les chefs 16 et 17; et qu’un arrêt conditionnel des procédures a été prononcé sur les chefs 2 et 4.

__________________________________

YVAN POULIN, J.C.Q.

Me Cynthia Gyenizse

Me Sylvie Lemieux

Pour la poursuivante

Me Andrée-Anne Blais

Me Jean Dury

Me Réginal Victorin

Pour l’accusé

Dates d’audience : 8 et 25 janvier 2018;

12, 13, 15, 26, 27 et 28 février 2018;

1, 2, 5, 6, 8, 12, 13, 14, 15 et 16 mars 2018;

14, 15, 16, 17 et 18 mai 2018;

4, 5, 6, 7, 13, 14 et 15 juin 2018.

1 Chefs 12 et 13 de l’acte d’accusation.

2 Chefs 14 et 15.

3 Chefs 5 et 6.

4 Chef 3 tel que modifié.

5 Chef 1 tel que modifié.

6 Chefs 7 et 8.

7 Chef 9.

8 Chef 10.

9 Chef 11.

10 Houle c. R., 2003 CanLII 14377, par. 47-57

11 Morasse c. R., 2015 QCCA 74, par. 61-71.

12 Voir notamment : R. c. Faivre, C.Q. 500-01-135324-165, 5 mars 2018 (décision sur voir-dire non rapportée rendue dans le présent dossier), par. 9-20. Voir aussi : R. v. Hamilton, 2011 ONCA 399 [demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada rejetée le 6 septembre 2012 : C.S.C. No. 34590], par. 259, 277-279; R. v. Cyr, 2012 ONCA 919, par. 85-105; et D. M. Paciocco and L. Stuesser, The Law of Evidence (7th ed.), Toronto: Irwin Law, 2015, pp. 195, 205-206. Par analogie, voir également l’arrêt de la Cour d’appel de l’Irlande dans Director of Public Prosecutions v. Kirwan, [2015] IECA 228, par. 38 et 43.

13 Pièce P-85.

14 R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, par. 27-38.

15 R. c. Vuradin, 2013 CSC 38, [2013] 2 R.C.S. 639, par. 21.

16 R. c. W. (D.), [1991] 1 R.C.S. 742.

17 R. c. Villaroman, 2016 CSC 33, [2016] 1 R.C.S. 1000, par. 30, 32-34.

18 R. c. H.H., 2007 QCCQ 4738.

19 Voir notamment : R. c. Hamilton, [2005] 2 R.C.S. 432, 2005 CSC 47, par. 13-33; Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, 2005 CSC 40, par. 60-77; Vinet c. R., 2018 QCCA 334, par. 34-70; R. v. Devitt, 2016 ONCA 871; R. v. Jeffers, 2012 ONCA 1, par. 24-39; R. v. Root, 2008 ONCA 869, par. 83-86.

20 R. c. Hamilton, [2005] 2 R.C.S. 432, 2005 CSC 47.

21 R. v. Devitt, 2016 ONCA 871.

22 R. c. Morelli, [2010] 1 R.C.S. 253, 2010 CSC 8, par. 12-38.

23 Pièce P-67, Les principes directeurs de WebBLeu.

24 Ibid., p. 2.

25 Id., p. 4.

26 Pièce P-112.

27 R. c. Spencer, [2014] 2 R.C.S. 212, 2014 CSC 43, par. 82-86.

28 R. c. Briscoe, [2010] 1 R.C.S. 411, 2010 CSC 13, par. 18.

29 R. c. Katigbak, [2011] 3 R.C.S. 326, 2011 CSC 48.

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