Jean-Sébastien Bourré
Autrefois fort important dans les luttes communes des minorités
LGBT+, il semble que le concept d’« alliés » ne résonne plus de
la même façon pour une partie de la jeunesse qui milite et reprend
le flambeau des gens ayant mené nos combats depuis les années
soixante. Pour ne pas dire que ce concept ne « raisonne » plus de
la même façon. D’abord, une question : qui sont nos alliés?
Au regard des luttes menées par les communautés LGBT+ depuis
50 ans, les alliés sont majoritairement les personnes hétérosexuelles
et cisgenres en faveur de l’avancement de nos droits sur
les plans juridique et social. Par contre, ce sont aussi les membres
de nos communautés qui ne vivent pas les mêmes réalités. Nous
avons besoin d’eux et eux ont besoin de nous.
C’est fort étonné que j’ai pu constater, tant par des commentaires
reçus que par des commentaires laissés sous des publications portant
sur nos luttes, sur les réseaux sociaux, que certains membres
de nos communautés – que l’on peut associer à une certaine
forme de radicalisme lorsqu’on observe leurs actions – remettent
en question le rôle joué par nos alliés. Encore pire : certains affirment
qu’on n’a pas besoin d’alliés pour faire avancer nos luttes et
qu’on peut très bien y parvenir nous-mêmes! Non, mais! Dans quel
monde vivent ces personnes?
« On n’a pas besoin d’alliés! » « Tant qu’à avoir des alliés
comme ça, mieux vaut ne pas avoir d’alliés du tout! »
Pour être acceptés de la majorité hétéro-cis que l’on accuse
constamment d’imposer sa « norme », il faut engager le dialogue
et s’activer sur le plan éducationnel. En effet, le deuxième commentaire suppose que des actions menées
par certains alliés ne font pas leur bonheur. À quoi bon aider les
alliés à y voir plus clair si on peut simplement les insulter et rejeter
leur aide? Il est certain que si ces jeunes militants d’extrême gauche
ne connaissent pas bien leur histoire, comme je le mentionnais précédemment
dans un article intitulé : « Et notre histoire, bordel? », ils
ne peuvent la transmettre adéquatement à ces alliés qu’ils rejettent.
Voilà donc une autre dérive idéologique de certains militants extrémistes.
Ne se rendent-ils pas compte que cela contribue à les marginaliser
et qu’ils seront restreints à un cercle foncièrement réduit
de la société? Ils se plaindront ensuite de ne pas être acceptés et
d’avoir des difficultés à trouver des emplois et à… vous saisissiez
sans doute le fond de ma pensée. Tout est dans l’attitude que l’on
a à l’égard des autres.
Ainsi, de tels agissements nous font perdre des alliés. Sans éducation
et sans dialogue, cette majorité ne peut nous comprendre ni
apprendre de ses erreurs pour mieux endosser nos causes. Les
alliés sont ceux qui comprennent et sont empathiques à l’oppression
que nous vivons ou avons vécue et c’est avec eux que nous
pouvons prendre une place plus importante dans la société. Moi,
je souhaite la bienvenue aux alliés. Commençons par discuter et
plutôt que de critiquer, enseignons-leur notre histoire.
Sans allié, on ne peut combattre de façon efficace la lesbophobie,
la gaiphobie, la biphobie, la transphobie ainsi que toutes les
« phobies » inhérentes aux conditions et aux lettres ajoutées à cet
acronyme qui regroupe toutes les luttes des minorités qui doivent
se serrer les coudes davantage pour obtenir des gains historiques.