Roger-Luc Chayer (Image: IA / Gay Globe)
J’attendais la fin de l’année 2024 pour partager avec vous les dessous de la gestion de pages Facebook, comme je le fais depuis un bon moment déjà. Parfois, il ne faut pas se fier aux apparences : rien n’est simple dans la gestion des conversations, des sujets traités et des émotions que suscitent des publications. Dans mon cas, cela implique une communauté de plus de 250 000 membres.
Tout d’abord, il faut savoir que je suis administrateur de groupes rassemblant près de 50 000 membres répartis sur plusieurs pages Facebook, comme celles de Village Montréal, du Groupe des LGBTQ+ de France et du Groupe des LGBTQ+ de Belgique, pour ne mentionner que ceux-là. Chaque groupe a sa propre dynamique, sa culture, et les activités de l’un ne correspondent parfois en rien à celles des autres, même si le point commun reste nos communautés LGBTQ+. Je suis aussi membre contributeur sur des pages qui regroupent environ 200,000 membres principalement au Québec, au Canada et en Europe.
Dès règles équitables pour tous
L’un des éléments les plus difficiles à faire comprendre, tant aux membres déjà inscrits qu’aux nouveaux, est l’importance d’accepter toutes les règles comme condition d’admissibilité et de participation. La réalité, c’est que 99 % des nouveaux inscrits ne lisent pas les règles et ne prennent pas la peine de les accepter. Avant même de lire le contenu de leur message d’introduction, je dois donc les refuser. C’est une question de logique : si tu ne te donnes pas la peine de lire les conditions, je ne vais pas me donner la peine de lire ta demande.
Une fois les règles établies et acceptées, encore faut-il les appliquer. Les réseaux sociaux sont une véritable jungle où certains semblent penser que tous les coups sont permis. Une modération bien appliquée peut pourtant sauver l’ambiance générale d’un groupe.
Nous connaissons tous des groupes Facebook où les administrateurs et les modérateurs n’interviennent jamais, au nom d’une prétendue liberté d’expression qui ne doit pas être encadrée. Cette approche est absurde. Ces groupes sont constamment en proie aux conflits : les membres s’échangent des insultes, profèrent des menaces, ou s’attaquent à la réputation des autres sans les connaître. Résultat : beaucoup finissent par quitter ces espaces où la violence verbale devient insupportable.
Avec une modération efficace, on peut éviter ces drames. C’est ce que je m’emploie à faire. Cela exige une vigilance quotidienne — quelques minutes par-ci, par-là — mais cela reste crucial pour maintenir un climat courtois et respectueux. Cela permet aussi des échanges constructifs entre les membres sur des sujets d’actualité qui leur tiennent à cœur.
Trop parler nuit à la communication
Malheureusement, comme partout dans la société, il y a des gens qui parlent trop, qui veulent tout commenter et qui se croient investis d’une mission d’information, même sur des sujets qu’ils ne maîtrisent absolument pas. Ces comportements sont toxiques, et il est essentiel de les identifier rapidement.
Prenons, par exemple, une femme en France qui a récemment voulu commenter une de mes publications sur Montréal. Dans mon message, je donnais quelques exemples des adaptations des Montréalais aux grands froids. Je mentionnais, entre autres, l’existence de la ville souterraine construite depuis les années 1960, ainsi que des chauffe-moteurs utilisés pour faciliter le démarrage des voitures par temps froid. Je parlais également de la différence entre une température de -25 °C et la température ressentie, etc.
Cette dame, qui manifestement ne connaissait strictement rien du Québec, s’est sentie investie de la mission de rétablir sa vérité. Elle a commenté mon post en affirmant qu’il était faux de parler d’une ville souterraine à Montréal, soutenant qu’il ne s’agissait au mieux que d’un grand centre commercial, comme on en trouve partout en Europe. Elle prétendait également que j’avais inventé l’existence des chauffe-moteurs et que ce concept n’existait pas. Elle s’est moquée du terme « ressenti » utilisé pour décrire les degrés Celsius et a conclu en m’insultant, affirmant que ma publication cherchait à tromper les lecteurs.
Pourtant, tous les Québécois sont familiers avec la ville souterraine de Montréal, qui s’étend sur des dizaines de kilomètres. Elle relie le métro à des centaines de bâtiments résidentiels, commerciaux, ainsi qu’à des restaurants et des salles de spectacles. Les chauffe-moteurs sont également courants au Québec : ceux qui n’en possèdent pas savent à quel point ils sont indispensables pour démarrer leur voiture par temps froid. Quant à la température ressentie, anciennement appelée le facteur vent, elle est une réalité bien connue. Par exemple, un -15 degrés Celsius peut se transformer en un ressenti de -25. C’est cette température ressentie qui détermine le niveau de danger pour la peau ou la quantité d’électricité nécessaire pour chauffer une maison.
À cause de la publication belliqueuse de cette personne, j’ai dû appliquer les règles les plus strictes de gestion des groupes. J’ai publié un correctif pour rectifier ses affirmations et lui ai retiré l’accès au groupe, car sa présence était toxique et ne servait qu’à semer le doute sur les écrits des autres, sans apporter de contribution constructive.
La modération a meilleur goût
Des situations comme celle mentionnée plus haut se produisent 10 à 15 fois par jour. Parfois, je vois les messages avant leur publication, ce qui me permet d’intervenir rapidement. D’autres fois, ce sont les membres qui signalent un message inapproprié ou offensant. J’interviens toujours le plus rapidement possible pour effacer ces messages et retirer l’accès aux personnes qui se comportent de manière inadéquate. C’est cette vigilance qui fait des groupes sous ma responsabilité un havre de discussion sécuritaire et agréable. Avec le temps, ces efforts portent leurs fruits, et les interventions inappropriées deviennent de plus en plus rares.
Voilà, selon moi, ce que devrait être un groupe Facebook.