Les gais en Corse

Longtemps considérée comme le tabou des tabous, lʼhomosexualité nʼest plus un motif de mise à lʼécart sociale.
Par: Google.news
Mais si les gays corses commencent à sortir du bois, ils sont toutefois
loin dʼafficher ouvertement leurs préférences sexuelles. Vous avez dit
« silence de Maure » ?
Le répondeur téléphonique tourne à vide. Malgré plusieurs messages,
lʼassociation de défense des gays, Semu Qui, ne rappellera pas. Hasard?
Coïncidence ? Discrétion ? Les homos corses commencent pourtant à se
faire entendre. Mais timidement, avec une prudence de Sioux. « Après un
premier coup de projecteur médiatique lors de sa création, Semu Qui a
reçu des menaces », croit savoir un connaisseur du milieu homo insulaire.
Sur Internet, à visage découvert, de plus en plus de – jeunes – Corses font
leur coming-out virtuel. Bien sûr, il faut connaître les sites, faire la démar-
che, chercher, cliquer. Mais le rempart semble bien mince. Et ce premier
pas vers la lumière en annonce sans doute dʼautres. « Ce nʼest pas encore
très perceptible mais de plus en plus de jeunes sʼassument clairement »
remarque Patrick. A quarante ans, dont plus de dix passés sur le Continent,
il croit dans cette « logique de banalisation ». En Corse comme partout
ailleurs, être homosexuel nʼest plus vraiment considéré comme une tare.
A condition toutefois de ne pas trop revendiquer ses préférences sexuelles,
de sauver les apparences et de laisser le corps social faire le reste. Car de
manière paradoxale, les non-dits qui traversent la société insulaire agis-
sent davantage comme une protection. « Beaucoup dʼhomos sont mariés
ou se prétendent bi pour ne pas sʼavouer leur état, mais le plus dur reste le
coming-out, même partiel. » dit Patrick.
Le milieu gay reste donc assez « undercover ». Révélatrices, les annonces
passées sur Internet prennent des allures de rendez-vous dʼespions : « discré-
tion assurée », « discrétion obligatoire », « merci dʼêtre discret car je vis ma-
ritalement et ma copine nʼest pas au courant ». « On est obligés de passer par
le web, les salons de discussion » regrette FiFi_2A, rencontrée sur Internet.
A vingt-cinq ans, la jeune femme, lesbienne, assure quʼil est « impossible de
trouver des copines autrement, même en ville ». Sans véritables lieux de ren-
contres, les homos corses ne veulent pas risquer la capata – le coup de boule
– en draguant un amoureux potentiel sans être certain de son inclination. Con-
séquence : les lieux de drague sauvage restent des passages obligés et clai-
rement identifiés. A Bastia, le jardin Romieu abrite certains soirs les amours
clandestines dʼhommes souvent âgés, tandis que quelques gays se retrouvent
très occasionnellement dans un sex-shop du boulevard Gaudin. Ni vu, ni con-
nu, dans des cabines de voisinage où même le patron ignore ce qui se trame.
A Ajaccio, les hommes qui aiment les hommes se retrouvent plutôt vers le
quai Tino Rossi ou sur les parkings bordant lʼaéroport de Campo dellʼOro.
« Un public de vioques qui se connaît depuis des années et tourne en
rond » estime Patrick, qui trouve cela « un peu pathétique, quand même ».
Du coup, les homos attendent lʼété et lʼarrivée de touristes. Ou sʼexilent sur
le Continent le temps dʼune virée dans les lieux chauds de la capitale. « On
oublie tout et on se laisse aller pour rattraper le temps perdu en Corse » dit
Rémi, adepte avoué dʼune sexualité débridée. Parfois, cʼest la surprise, une
rencontre inattendue sur une plage du sud de Bastia ou en Balagne. « On
se reconnaît assez rapidement et une fois les premiers regards échangés,
le rendez-vous ne tarde pas. » Si ce genre de rencontres peut se nouer fa-
cilement sur le littoral, question dʼattrait touristique et de démographie, la
situation est plus difficilement tenable dans le rural. Certes, la plupart du
temps, et contrairement aux idées reçues, le village tisse davantage un co-
con de silence quʼune toile dʼaraignée meurtrière autour des homosexuels,
mais la crainte dʼêtre jugé est trop présente à lʼesprit pour se laisser aller
à afficher ses préférences sexuelles. Ce qui nʼempêche pas certains de
vouloir conjuguer identité affirmée et homosexualité. A cet égard, Inter-
net, toujours, livre de surprenants messages : « Vulerebbi cunnosce i gay
di Corsica chì parlanu corsu. Sò sicuru chʼelli esistenu. Campu cù u mo
amicu in un paese di lʼinternu è mi piacerebbe à pudè scuntrà omosessuali
chì parlanu corsu è sò in listessa situazione. » En clair : partager davantage
quʼune « identité sexuelle », pouvoir échanger points de vue, sentiments et
expériences. Parler librement. Davantage quʼune boîte homo ou lʼorganisa-
tion dʼune Gay pride entre la Place du Diamant et la Rue Fesch, cʼest pro-
bablement ce qui, aujourdʼhui, fait le plus défaut aux homosexuels corses.

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