Les musiciens II.

LES GRANDS COMPOSITEURS CLASSIQUES HOMOSEXUELS ET LEURS OEUVRES (suite)

Tchaikovsky (Piotr-Illitch), né en 1840 et mort en 1893 fut, sans l’ombre d’un doute, le plus célèbre des compositeurs homosexuels de tous les temps. Il a su influencer et même modifier l’image des gais-es jusqu’à aujourd’hui grâce à ses oeuvres très populaires auprès du public. Sa vie n’a été qu’une recherche constante du bonheur dans une Russie qui n’acceptait et ne tolérait pas cette « forme de déviance ». Malgré son mariage en 1877 qui ne dura que quelques semaines, il ne put s’empêcher d’avoir en tête son goût pour les jeunes garçons:<<…Quelques jours de plus et j’étais fou>>.

En outre, sa sensibilité a quelque chose de <<pleurnicheur>> (le mot est de lui), de complaisamment étalé qui évoque irrésistiblement le romantisme allemand dans ses manifestations les plus copieusement sentimentales. Il est vrai qu’un drame physiologique dont le secret ne laisse pas d’être assez transparent suffit à expliquer bien des choses, sa tristesse incurable et surtout ce goût féminin de livrer son être intime à l’indiscrète contemplation des foules. Tout ce qui sort de sa plume prend l’allure d’un épanchement sentimental et cela le sépare essentiellement des ses collègues compositeurs russes chez qui l’élément descriptif est si important. Voici un extrait des notes que Tchaikovsky avait écrit pour accompagner sa célèbre et dernière symphonie, « la pathétique »: << Le fatum ; une force du destin qui nous interdit d’être heureux…se résigner à une tristesse sans issue…se réfugier dans le rêve. Oh joie! le tendre rêve apparaît enfin…le bonheur est là. Mais non, le Destin nous réveille…>> Il y en a ainsi durant trois pages. La VIe symphonie (pathétique) reprend la même idée, cette dernière s’achevant dans la défaite et le désespoir total dans un mortel solo de violoncelle qui n’en finit plus d’expirer. Dans tout cela la sincérité du musicien ne peut être mise en doute et il faut bien avouer que si l’expression de sa mélancolie n’est pas toujours sans fadeur, si malgré tels accents déchirants son lyrisme est souvent bien facile, il domine presque toujours son sujet en grand créateur trouvant moyen de transfigurer parfois les lieux communs les plus plats au feu de son incontestable personnalité.

Tchaikovsky, malgré la correspondance parfois très intime avec Madame von Meck, riche admiratrice du compositeur, resta toujours attiré vers la gente masculine et ses tendresses juvéniles. Cette correspondance que les deux confidents échangèrent pendant plus de 13 ans, accompagnée d’une généreuse rente mensuelle versée par la douce, ne permit jamais à ceux-ci de se rencontrer si ce n’est qu’à une ou deux occasions et à distance.

Les véritables péripéties de Tchaikovsky ne devinrent public que bien des décennies plus tard et au dire des survivants de la cour du Tsar, celui-ci avait été surpris avec le dauphin du Roi en train de se livrer à quelques ébats sensuels. Il termina sa VIe symphonie neuf jours avant sa mort. Il mourut d’un choléra, qu’il avait contracté en buvant de l’eau contaminée. Légèreté incroyable ou dégoût de la vie? Les historiens attribuent cet acte aux pressions faites par l’entourage du tsar qui lui donnait le choix entre la disgrâce ou le suicide honorable. Comme Piotr était un noble dans l’âme, il choisit l’honneur.

En 1994, grâce à une plus grande acceptation de l’homosexualité par la société, les compositeurs peuvent s’afficher plus ouvertement sans craindre la colère ou les coupures de rentes des têtes couronnées (sauf celles du ministère de la Culture). L’ère contemporaine nous offre même des compositeurs lesbiennes et homosexuels dont Sophie PICARD ou Benjain BRITTEN et plusieurs autres qui nous offrent un héritage des plus important pour les générations de futurs musiciens et de mélomanes.

Impossible de ne pas terminer ce dossier sans parler de l’apport particulier de Sophie PICARD à la composition musicale de notre communauté. Née en 1965, Sophie est pianiste depuis l’âge de 9 ans. Elle fera l’Ecole de Musique Vincent d’Indy, l’Université de Montréal et se spécialise aujourd’hui dans la direction de choeurs de voix de femmes. Chaque année on la retrouve à la tête de l’ensemble les Voix d’Elles en concert à la Maison de la culture Frontenac. Sophie aura donné à notre communauté surement l’une des plus belles oeuvres du répertoire lesbien pour piano: Pour Elle. Composée dans un style Debussien, l’oeuvre nous emporte dans un élan toujours grandissant vers une appogée des plus dramatique. A quand la prochaine composition?

Il serait facile de continuer à vous raconter les créations de musiciens classiques ayant quelques tendances homosexuelles mais comme le disait si bien un de mes professeurs au Conservatoire National de Nice:<<…Quand vous écoutez une oeuvre et que celle-ci provoque en vous un bouleversement étrange, inhabituel et que cette situation perdure pendant plusieurs jours, c’est qu’elle a été écrite pour vous et qu’elle touche votre coeur qu’il soit homosexuel, lesbien ou ce qui reste d’autre…>> ce sage professeur devait sûrement parler du Stabat Mater de Vivaldi. Musique d’une grande intensité et destinée, j’en suis convaincu, aux âmes douces et aux moeurs légères que nous sommes. Le Stabat Mater est l’oeuvre par excellence pour passer un bon moment à méditer et prendre conscience que de tous les temps, la musique a toujours contribuée à exprimer l’inexprimable chez les hommes et les femmes. Faute de pouvoir vivre l’amour au même sexe, les compositeurs pouvaient au moins le vivre par la musique.

Références musicales à écouter:

Pour Elle (Sophie PICARD) En vente chez Jean Coutu, 6420 Sherbrooke est, 259-6991

Stabat mater (Antonio VIVALDI)

La Symphonie no.6 « Pathétique » (Piotr TCHAIKOVSKY)

Adagio (Benjamin BRITTEN)

Roger-Luc CHAYER