Par Le Parisien
Les récents propos du pape François sur l’homosexualité écornent son image de progressiste.
Beaucoup voyaient en lui un pape ouvert et progressiste. Rock’n’roll même. En janvier 2014, le magazine Rolling Stones titrait même sur « la douce révolution du pape François ». Et pourtant. Depuis son élection au Saint-Siège en mars 2013, le pape François cultive une position ambiguë sur l’homosexualité.
Qu’a dit le pape François ?
Dans la nuit de dimanche à lundi, le pape François a recommandé aux parents d’enfants gays de consulter un psychiatre. « Je leur dirais premièrement de prier, ne pas condamner, dialoguer, comprendre, donner une place au fils ou à la fille », a-t-il devant des journalistes. Il introduit un distinguo selon l’âge : « quand cela se manifeste dès l’enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses. »
Entre les lignes, l’homosexualité est présentée comme une pathologie dont il faudrait guérir. Des propos dénoncés par diverses associations de défense des personnes LGBT. Mais dans le même temps, l’Argentin prône le dialogue. « Je ne dirai jamais que le silence est un remède, conclut-il. Ignorer son fils ou sa fille qui a des tendances homosexuelles est un défaut de paternité ou de maternité. »
Le pape François a-t-il qualifié l’homosexualité de maladie ?
Non, insiste le Vatican ce lundi, qui a retiré la référence à la psychiatrie du verbatim de l’interview. Et ce, « pour ne pas altérer la pensée du pape », souligne un porte-parole. « Avec ce mot, il n’avait pas l’intention de dire qu’il s’agissait d’une maladie psychiatrique, mais que peut-être il fallait voir comment sont les choses au niveau psychologique. »
Le souverain pontife aurait peut-être, avance le quotidien catholique La Croix, confondu psychiatrie et psychanalyse. En Argentine, son pays natal, les deux notions sont en effet très proches, rappelle le journal. Pour Olivier Bobineau, sociologue des religions et membre du Groupe Sociétés Religions Laïcités, le pape évoquerait plutôt « un accompagnement, ce qui ne veut pas dire qu’il s’agit d’une maladie ».
Quelle est la position du pape sur l’homosexualité ?
Par le passé, le pape François a semblé ouvert sur la question. « Si une personne est gay et qu’elle cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? », s’était-il interrogé en juillet 2013. Par la suite, il a réitéré ce discours, tout en rejetant le mariage pour tous. Dernier cas en février dernier : Jorge Bergoglio recevait Juan Carlos Cruz au Vatican, un jeune homme homosexuel, victime d’abus sexuels par des évêques chiliens lorsqu’il était enfant. « Que vous soyez gay importe peu », lui a lancé le pape. « Dieu vous a fait ainsi et vous aime ainsi. »
Une tolérance ambivalente. En réalité, le pape François n’est pas vraiment un progressiste en la matière, estime Christophe Dickès, historien du catholicisme et de la papauté, qui pointe « une vision biaisée du personnage ».
Il explique que « l’Eglise catholique distingue les actes et la personne », l’homosexualité et les personnes homosexuelles. Autrement dit, le pape condamne l’homosexualité, « considérée comme une déviance », mais pas les personnes.
Quelle est la position de l’Eglise ?
Sur le fond, le pape François s’inscrit dans la continuité de Benoît XVI et Jean-Paul II. Le catéchisme, dans sa section consacrée à la chasteté, décrit l’homosexualité comme « contraire à la loi naturelle ». Le texte dénonce les actes homosexuels, qui « ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas », et appelle à l’abstinence. Pour autant, il prône « respect, compassion et délicatesse » envers les homosexuels et rejette « toute marque de discrimination injuste. »
Denis Pelletier, historien du catholicisme, relève que Jorge Bergoglio fait preuve d’une « relative ouverture face à une partie du clergé qui ne reconnaît même pas aux homosexuels le droit d’exister. » Pour Olivier Bobineau, « la vraie rupture n’est pas tant sur le fond que sur la méthode ». Pragmatique de par sa formation de jésuite, « le pape dit qu’il faut accompagner ces personnes, qu’il ne faut pas les condamner et qu’ils ne doivent en aucun cas faire l’objet de rejets », explique-t-il.
Pourquoi le pape François aborde-t-il le sujet maintenant ?
Dans l’avion entre l’Irlande et Rome, Jorge Bergoglio répondait à un journaliste qui lui demandait comment un parent devait réagir face à l’homosexualité de son enfant. Un cadre plus propice aux échanges informels. Le pape, remarque Christophe Dickès, avait conscience du caractère public de ses déclarations, mais « il a un côté spontané qui crée parfois des ambiguïtés. Ce n’est pas la première fois que son service de communication doit préciser ses propos. »
Le tout dans un contexte brûlant pour l’Argentin. Dans une lettre publiée samedi, l’archevêque Carlo Maria Vigano accuse le souverain pontife d’avoir couvert les abus sexuels du cardinal Theodore McCarrick. Dans ce brûlot, Mgr Vigano tient également des propos aux relents homophobes. Il dénonce l’existence autour du pape d’un « courant homosexuel désireux de subvertir la doctrine catholique sur l’homosexualité ». De nombreux crimes sexuels commis au sein de l’Eglise catholique seraient imputables, selon lui, à des prêtres gays.
« J’aimerais que le pape François n’utilise pas les homosexuels pour qu’on cesse de parler des prêtres pédophiles », a ainsi commenté Catherine Michaud, présidente de GayLib. Faut-il voir dans les propos du pape une manœuvre politique, destinée à rassurer son aile conservatrice tout en détournant l’attention ? « Je n’y crois pas », considère pour sa part Christophe Dickès. Il voit plutôt dans cette affaire une « accumulation de crises sur crises ».