Propos du pape François : l’homosexualité et la psychiatrie, un débat «d’un autre âge»

Par Le Parisien

Les propos du souverain pontife sur la prise en charge psychiatrique de l’homosexualité à l’enfance font polémique.
Nuit de dimanche à lundi, dans un avion entre l’Irlande et l’Italie. Le pape François profite du vol du retour de son déplacement pour répondre aux questions des journalistes. Vient le moment où il est interrogé sur l’homosexualité, domaine où il s’est construit jusqu’à présent une réputation de progressiste.
« Quand cela se manifeste dès l’enfance, il y a beaucoup de choses à faire par la psychiatrie, pour voir comment sont les choses, lâche-t-il. C’est autre chose quand cela se manifeste après vingt ans. »

Si le Vatican a retiré la référence à la psychiatrie dans ses propos – expliquant qu’il ne voulait pas parler de maladie psychiatrique – les propos du souverain pontife ont fait polémique et rappellent de vieilles théories qui ont eu cours pendant des siècles. Pendant longtemps, l’attirance pour des personnes du même sexe a même été considérée comme une maladie par la science.
« Au XIXe siècle, l’Eglise perd de l’influence et la médecine prend le relais pour ce qui doit être ou non considéré comme une sexualité déviante, explique au Parisien le psychiatre Malick Briki, auteur d’une thèse sur la prise en charge médicale de l’homosexualité. L’homosexualité est vue comme une dégénérescence innée, une dérive qui doit être mise à l’écart de la société. »

Lecture de la Bible, bains froids et électrochocs
Rapidement, le corps médical développe des « thérapies » pour « guérir » les homosexuels. Dans les premiers temps, on recommande aux « patients » de lire et relire la Bible et de s’astreindre à des exercices physiques. « On leur faisait aussi subir des séances d’analyse où on allait chercher ce qui les avait menés à devenir homosexuel, décrit Malick Briki. A raison de deux à trois rendez-vous de ce genre par semaine pendant des années, ça ne pouvait entraîner que honte et culpabilisation. »
Pour « soigner » l’homosexualité, de nombreuses méthodes se développent, comme des jets d’eau froide ou des électrochocs, notamment aux Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale. En Angleterre, des jeunes subissent dans les années 60 des cures express pour devenir hétérosexuel. Un séjour dans un hôpital psychiatrique vécu comme une « torture » par Peter Price.
« L’idée, c’est de provoquer un sentiment de répulsion quand vous pensez à un autre homme », explique cet animateur radio, interviewé en juin. Dans une pièce sans fenêtre, il se voit imposer le même rituel d’heure en heure : écouter le récit d’actes sexuels sur une cassette audio, regarder des photos d’hommes en maillot de bain, tout en subissant régulièrement des injections provoquant diarrhées et vomissements. « J’étais allongé dans mes excréments, c’était éprouvant », glisse-t-il.

L’homosexualité n’est plus une maladie depuis 1992
Depuis, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a retiré l’homosexualité de sa liste des pathologies en 1992. « En la considérant pendant longtemps comme des malades, la médecine a contribué à la stigmatisation des homosexuels, souligne Malick Briki. Ce type de discours médical est relayé dans les familles et alimente des discours homophobes. »
Et l’idée de « soigner » les homosexuels n’a pas disparu pour autant. Aux Etats-Unis, différents groupes médicaux proches des milieux traditionnels proposent des stages pour « traiter » les homosexuels et les ramener vers l’hétérosexualité.

En Europe, ce qu’on appelle les « thérapies de conversion », où des groupes religieux et des psychiatres proposent des groupes de parole aux homosexuels, existent aussi.
Sur notre continent, seul Malte a formellement interdit en 2016 ces pratiques. Le Parlement européen a voté en mars un texte demandant aux pays membres de l’Union européenne d’y mettre un terme. Le Royaume-Uni, où la Première ministre Theresa May a qualifié « d’odieuses » ces thérapies, pourrait suivre.
Les thérapies de conversion bientôt interdites en France ?
En France, la députée La République en marche de l’Allier Laurence Vanceunebrock-Mialon va déposer à la rentrée une proposition de loi allant dans ce sens.
« Elles n’ont de thérapies que le nom puisque l’on ne peut se soigner d’une sexualité, souligne l’élue au Parisien. Ces pratiques d’un autre âge ne peuvent avoir une place quelconque dans une société évoluée. »

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