
Par: Roger-Luc Chayer
Image: Générée électroniquement ©Gay Globe
Une vidéo circule actuellement sur les réseaux sociaux montrant une policière d’un service de police d’une municipalité du Québec, ordonner à un citoyen de lui remettre tout son argent sous peine d’arrestation. Le citoyen, qui ne semble avoir rien à se reprocher et se trouve sur la voie publique, se voit répéter l’ordre de remettre son argent liquide à la policière, sous prétexte que, selon elle, «une personne raisonnable n’a pas besoin de tout cet argent». Dans un langage vulgaire, la policière va jusqu’à menacer de s’en prendre physiquement à l’individu s’il ne se plie pas à ses demandes. Face à ces menaces, le citoyen, visiblement découragé, finit par lui remettre son argent, 4000$ au total. Sur un ton arrogant, la policière lui indique ensuite qu’ils vont compter l’argent ensemble et qu’elle lui remettra même un reçu.
Sommes-nous arrivés au Mexique ou dans un pays où les policiers exigent des pots-de-vin pour laisser tranquilles des citoyens sans histoire? Une personne a bien le droit d’avoir de l’argent en poche pour s’acheter un meuble, une voiture, ou même pour payer son loyer, non? La nouvelle loi 54 criminalise désormais la simple possession d’argent, même en l’absence de tout délit. Auparavant, il était entendu que l’argent saisi lors de la commission d’un crime ou lié à certains crimes, comme la vente de drogues, la prostitution, la fraude, etc., devenait la propriété de l’État, ce qui ne choquait personne.
Mais voilà que le gouvernement du Québec, à l’article 18 de la loi, décide, sans le moindre justificatif, de criminaliser la possession de plus de 2000 $, même si la personne n’a rien à se reprocher. La loi stipule: «Un bien est présumé être un produit d’activités illégales s’il s’agit d’une somme d’argent comptant de 2 000 $ ou plus, dont la disposition est incompatible avec les pratiques des institutions financières.»
Cela signifie donc que, comme dans la vidéo, un policier peut décider de saisir 4000 $ appartenant à un individu marchant sur le trottoir, et ce, au mépris non seulement de la réputation de l’individu, mais aussi des conséquences que cela peut avoir sur sa vie. Par exemple, cette personne avait-elle cet argent pour payer son loyer ou sa pension alimentaire ? Allait-elle faire un dépôt pour un véhicule ou simplement régler un forfait voyage chez son agent de voyage ? Tout le monde ne possède pas de carte de crédit ou de guichet ; beaucoup de gens circulent avec de l’argent liquide parce qu’ils n’ont pas le choix. Dans la loi, il n’est nullement mentionné les limites et les critères requis pour que la police se saisisse de l’argent des citoyens. Aucune explication, autre que l’affirmation qu’une personne raisonnable n’a pas besoin de plus de 2000 $. La criminalisation des individus est désormais arbitraire ! Une fois l’argent saisi, c’est au citoyen d’entreprendre des procédures légales au tribunal pour récupérer ce qui lui appartient de plein droit, et les frais juridiques ainsi que ceux de l’avocat seront probablement supérieurs à la somme saisie. Tout Canadien souhaitant se rendre aux États-Unis pour des vacances ou pour affaires a le droit de posséder un maximum de 10 000$ sur lui, à condition de le déclarer aux douaniers. Cela voudrait-il dire que pour les Canadiens, pas de problème, mais pour les Québécois, ils deviennent automatiquement des criminels s’ils ont cette somme pour aller aux États-Unis?
Et la Charte des droits dans tout ça? Au Québec, toute personne est protégée contre les fouilles abusives ou tout autre geste qui viendrait violer la Charte des droits. Cette nouvelle loi semble violer directement cette Charte. Est-ce que la loi 54 survivra au test de la Cour suprême ? J’en serais très surpris…