Quand le désespoir frappe

La semaine dernière on m’a raconté une histoire très tris- te que j’ai décidé de partager avec vous car non seulement elle est véridique, mais elle reflète bien ce que nous vivons à l’intérieur des murs aux États-Unis.

Un détenu de l’institution Jackson purgeait depuis 10 ans une peine à vie. Je ne sais pas quelle est la nature du crime mais il est inutile de vous dire qu’en Floride, il n’est pas nécessaire d’avoir commis un crime bien odieux pour se retrouver à vie en prison.

Karl (nom fictif) a été le témoin de la dégradation des condi- tions de détention de ces dernières années en Floride et il était persuadé que l’avenir serait pire et peu prometteur. Il était aussi séropositif et même si son état de santé était satisfaisant grâce à la trithérapie, il restait préoccupé par son sort.

Il y a plus d’un an, Karl a décidé de mettre un terme a sa vie de détenu d’une façon inusitée. Il a tout bonnement décidé d’interrompre ses traitements anti-vih et de laisser son corps décider de sa propre fin. Très rapidement son état général s’est dégradé, et il a contracté des infections oppor- tunistes à répétition. Il refusait tous les traitements offerts, même ceux qui ne visaient qu’à soulager les douleurs cau- sées par ses infections incessantes.

Il y a trois semaines, Karl, ne pouvant plus se nourrir ou se déplacer sans aide, a été transporté à l’infirmerie de la pri- son où sa sentence s’est terminée en même temps que sa vie.

Cette histoire m’a fait réfléchir longuement. Moi aussi je suis séropositif, moi aussi j’en ai plus qu’assez d’être incarcéré dans d’horribles conditions, moi aussi j’ai voulu mourir. Au début, j’étais traité comme un animal, on me criait après constamment, je me suis demandé comment j’allais faire

pour survivre à tout cela et surtout si ça en valait la peine. Il faut bien mourir un jour ou l’autre… Pourquoi pas maintenant pour éviter de souffrir?

Heureusement, ces idées se sont évanouies rapidement et j’ai décidé de m’accrocher en me concentrant sur une chose en particulier: ma date de sortie, le jour de ma remise en liberté.

Je ne suis pas si mal avec ma sentence de 12 ans. 15% des 103,000 détenus de Floride purgent des sen- tences à vie sans possibilité de libération conditionnelle ou sur parole. Ma sentence est presque terminée, j’ai réussi à passer au travers de cette épreuve. Dieu merci je suis toujours vivant et en relative bonne santé. J’ai compris que mon désespoir est minime en comparaison de celui des autres. Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console… Tout est une ques- tion de perspective… et de la durée de la sentence.

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