Les plus grands efforts sont actuellement consacrés à la mise au point dʼun “condom invisible”
Pour prévenir le sida, les femmes ont désormais un espoir qui point à lʼhorizon 2009: le «condom invisible». Ce gel hydrosoluble, qui attire de plus en plus lʼattention de la communauté scientifique depuis quelques années, pourrait sʼavérer lʼinitiative la plus prometteuse dans la lutte contre le sida.
Chaque année à travers le monde, près de la moitié des contaminations par le VIH touchent les femmes. En situation de dépendance économique, elles nʼont souvent pas le choix dʼavoir des relations sexuelles, a indiqué Gita Ramjee, médecin au Conseil de recherche médicale de lʼAfrique du Sud, à la XVIe conférence internationale sur le sida. Aussi la nécessité dʼune nouvelle forme de prévention contrôlée par les femmes se fait-elle pressante, a ajouté celle qui est responsable dʼune clinique dʼessais sur les microbicides.
Les progrès dans la connaissance des mécanismes cellulaires et moléculaires jouant un rôle en matière de transmission du VIH auraient réveillé lʼintérêt des chercheurs, surtout aux États-Unis, et permis dʼen arriver à cette avancée. En 2005, plus de 150 millions de dollars ont été mobilisés pour la recherche sur les microbicides, contre 28 millions en 1997.
Sur une soixantaine de produits microbicides actuellement en cours dʼélaboration, cinq en sont à la phase III de la recherche clinique, la dernière étape du protocole de recherche. Un produit nommé Carraguard promet déjà des résultats de ses essais cliniques en décembre 2007. «On y est presque», a souligné Mme Ramjee en se qualifiant néanmoins de chercheuse optimiste.
Au Québec aussi
Le Québec a aussi son rôle à jouer dans cette avancée prometteuse. À la tête dʼune équipe de chercheurs affiliés au Centre de recherche en infectiologie de lʼUniversité Laval, le Dr Michel G. Bergeron est fier de son projet de gel microbicide, quʼil a breveté et baptisé du nom de «condom invisible». Cette initiative, financée par lʼInstitut canadien de recherche en santé, est actuellement en phase II de la recherche clinique, qui sʼeffectue au Cameroun. «La combinaison quʼon a trouvée est efficace. En tout cas, elle lʼest in vitro», sʼest réjoui le chercheur en parlant des tests de la phase I, réalisés sur des souris.
«Il y a quelques années, quand on a commencé à faire nos recherches sur le gel microbicide, personne nʼen parlait et ne voulait nous financer», a indiqué le chercheur. À lʼépoque, la phase I, financée par lʼACDI et Santé Canada, visait à établir si la substance était bien tolérée et non toxique. Selon ses explications, le condom pour femmes, une sorte de crème appliquée à lʼentrée du vagin, agirait sur deux fronts. Dʼune part, il empêcherait le VIH, par une barrière physique, dʼavoir accès aux récepteurs de la muqueuse vaginale; dʼautre part, il enrayerait le virus de façon locale par une inactivation chimique.
«On a fait des tests avec des couples et les hommes nous ont dit quʼils ne le sentaient même pas», a dit le chercheur en soulignant quʼil sʼagit dʼun aspect important de cette découverte. «Les femmes nʼont aucun contrôle sur le port du condom mâle et deviennent des victimes», a-t-il ajouté. Selon lui, pendant une relation sexuelle, les femmes sont six fois plus susceptibles de contracter des maladies transmises sexuellement (MTS), y compris le sida.
Devant les problèmes éthiques posés par la vérification de lʼinnocuité de la substance pour les êtres humains, le Dr Bergeron répond quʼils sont les mêmes pour tous les tests de médicaments. «Dʼun point de vue éthique, on est actuellement obligé de demander à lʼhomme dʼutiliser le condom», a-t-il expliqué. Pour que ce «rêve» devienne un jour réalité, il faudra toutefois recruter beaucoup de participants… et surtout de participantes, a-t-il ajouté. À lʼheure actuelle, près de 30 000 femmes seraient à lʼétude en ce qui a trait aux produits microbicides.
Vaccin : mort et enterré ?
Lʼautre «rêve» de la prévention, qui attise la convoitise, réside dans la découverte dʼun vaccin contre le sida. «En ce moment même, il y a loin de la coupe aux lèvres», a pour sa part noté Michel J. Tremblay, également chercheur à lʼUniversité Laval. Selon lui, si la recherche donne peu de résultats pour lʼinstant, cʼest que le système immunitaire humain est mal connu. «On ne connaît pas les composantes de notre corps qui freinent la progression du virus. On ne sait pas pourquoi certaines personnes tardent à développer la maladie, a-t-il souligné. À partir du moment où il nous manque ces informations, on ne peut pas développer un vaccin efficace.»
Lʼidée du vaccin est-elle morte et enterrée ? «Cʼest la tendance, mais tout peut changer du jour au lendemain», a-t-il reconnu. Selon lui, le vaccin thérapeutique, cʼest-à-dire un vaccin qui permettrait de ne pas développer la maladie une fois celle-ci contractée, a plus dʼavenir. «Mais ça ne réglerait pas le problème car les gens continueraient à être potentiellement transmetteurs de lʼinfection.» Il sʼentête néanmoins à voir une lueur dʼespoir dans les Gates et les Clinton de ce monde, qui appellent à intensifier la lutte contre le sida. «Et on entend désormais la voix des femmes, ce qui nʼarrivait pas avant», sʼest-il réjoui.