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Aujourd’hui, lorsqu’il est traité, le syndrome de l’immunodéficience acquise (sida) n’est plus une maladie mortelle. La découverte dans les années 1980 de traitements efficaces qui empêchent la prolifération du virus responsable de la pathologie, le VIH, a fait basculer le sida au statut de maladie chronique. Les antirétroviraux permettent en effet au système immunitaire de récupérer après l’assaut du VIH, et de vaincre les conséquences de l’infection. Le syndrome immunitaire ne se développe plus, et les effets à long terme de l’infection ne se font plus sentir. Pour autant, le virus ne disparaît pas. On ne peut pas parler de guérison définitive.
Le VIH reste dissimulé parmi les cellules du corps dans des « réservoirs », inaccessible et protégé, invisible aux défenses immunitaires, et prêt à rebondir. Derrière les portes fermées de l’institut Cochin à Paris, Morgane Bomsel et son équipe se sont lancés dans un véritable cache-cache avec le virus évasif du sida. Leur objectif est de mieux comprendre les mécanismes d’infection sexuelle par le VIH et de son évasion, en particulier au niveau des muqueuses génitales car tant que le virus reste invisible, il ne peut être ciblé et éradiqué. Décrire les réservoirs du VIH permettra ainsi de développer des stratégies thérapeutiques et préventives.
La circoncision réduit de 60 % le risque d’infection des hommes par le VIH lors de rapports hétérosexuels. Il y a plus d’une dizaine d’années, l’équipe de Morgane Bomsel a montré qu’en effet la face interne du prépuce est l’une des principales portes d’entrée du virus mais pas la seule. Le VIH pénètre également au niveau de l’urètre pénien alors que d’autres régions du pénis, comme le gland ou l’extrémité de l’urètre, résistent à l’infection. Mis au contact du virus, les explants de prépuce et d’urètre permettent de visualiser les étapes de l’infection à travers les différentes structures des tissus et les interactions du virus avec les cellules du tissu humain.
L’équipe a notamment montré que les cellules immunitaires de Langerhans présentes dans l’épithélium stratifié du prépuce sont parmi les premières à capturer le VIH après qu’il ait traversé la surface de la muqueuse. Quelque peu résistantes à l’infection par le virus, ces cellules vont cependant transmettre par contact des particules infectieuses aux globules blancs, plus précisément aux lymphocytes T CD4+ des tissus, qui migreront vers le sang. C’est dans ces cellules que le VIH se reproduit et se cache à vie chez les patients infectés. Mais ce ne sont pas les seules. Boxin Huang et l’équipe s’attachent à identifier d’autres réservoirs du virus.
Dans l’épithélium de l’urètre, il n’y a pas de cellules de Langerhans, mais il contient d’autres cellules immunitaires, les macrophages. L’équipe de Morgane Bomsel y a retrouvé le VIH dormant qui, réactivé, est capable de produire des particules virales infectieuses. Ces réservoirs supplémentaires doivent être pris en compte si on veut espérer un jour éradiquer complètement le virus chez les patients. L’étude du processus infectieux apporte d’autres solutions préventives. Yonatan Ganor a fait la découverte d’une molécule, le neuropeptide CGRP, sécrété suite à une sensation de chaud, de frottement, de douleur, capable de bloquer les premières étapes d’infection du prépuce par le VIH.