Comment la révolution numérique bouleverse nos vies sexuelles

Par Les Inrockuptibles

Dans son documentaire « Sexe et amour 3.0 », disponible sur Arte, la réalisatrice allemande Sibylle Smolka explore les conséquences de la technologie sur la sexualité. Entre l’influence du porno, des sites de rencontres, et l’explosion de nouvelles alternatives au désir, les facteurs de l’évolution des mœurs sont nombreux.
Si les outils mis à disposition pour enrichir la vie sexuelle n’ont jamais été si nombreux, ils ne sont pas sans effet. Que ce soit les sex-toys, la pornographie, ou encore le Viagra : tous modifient le rapport au sexe et la perception que nous en avons. Dans le documentaire Sexe et amour 3.0, actuellement disponible sur Arte, la réalisatrice allemande Sibylle Smolka tente de décrypter ces évolutions, aux conséquences parfois peu évidentes.
Moins de stabilité, plus de possibilités

Tourné à Berlin, le film explore les nouveautés en matière de sexe numérique, en suivant Christoff, célibataire, et Alice, en couple. Tous les deux sont dans une quête de satisfaction, et cherchent de nouvelles voies pour explorer leurs désirs respectifs et mieux les comprendre.

Ils débattent par exemple de Tinder, l’application de rencontre phénomène qui revendique plus de 30 millions d’utilisateurs dans le monde entier. Pour les hétérosexuels, il y a une concurrence exacerbée entre hommes, puisqu’ils sont les plus nombreux sur la plateforme, tandis que les femmes doivent apprendre à cerner les attentes de leurs homologues masculins. Une technologie qui devient une échappatoire dès lors que des difficultés se présentent dans une relation ; désormais les jeunes couples durent en moyenne à peine plus de trois ans. Le modèle classique que nous connaissions a évolué, offre plus de liberté, mais a aussi perdu en stabilité.

La matérialisation du sexe
Pourtant, deux tiers des Français et des Allemands déclarent encore croire au grand amour. Mais cette banalisation graduelle de ce qui était jusqu’alors un tabou a permis au sexe de devenir un secteur industriel comme un autre, avec un traitement similaire. En témoignent les divers salons de l’érotisme, qui n’ont plus grand-chose à voir avec la sensualité et l’amour. Consciemment ou non, la matérialisation du sexe y est érigée comme un principe de base. Et il n’y a plus vraiment de place pour les sentiments.

« Le désir sexuel est devenu totalement légitime », estime à ce sujet la sociologue Eva Illouz. Le schéma est le même avec le sex-toy. Aujourd’hui, près d’une femme sur deux disposerait d’un de ces accessoires. Un tour de force de la part des fabricants, qui ont réussi à rendre tendance un objet longtemps considéré comme gênant. L’évolution technologique permet de mieux cibler le désir, et par conséquence de mieux répondre aux attentes.
Culte de la performance

Un quart des demandes sur les moteurs de recherche sont à caractère pornographique. Une demande colossale, en permanence alimentée par de nouveaux contenus, comme l’arrivée de la réalité virtuelle ou la plus grande part de vidéos destinées à un public féminin. Mais si les spectateurs plus âgés ont déjà pu avoir des expériences avant de consommer de telles séquences, le porno s’inscrit comme une référence pour un public plus jeune, en manque de repères. Avec les critères de performance qu’il impose.

Cette libération sexuelle n’est pas pour autant synonyme d’une augmentation des relations, au contraire. Alors que les Français avaient en moyenne dix rapports sexuels par mois en 2005, ils n’en ont plus que huit aujourd’hui. Car, selon Wolfgang Schmidbauer, thérapeute de couple, ce sont les injonctions à la performance sexuelle qui peuvent engendrer des dysfonctionnements érectiles ou des troubles de la libido.

Des réactions opposées
Les sites de rencontre deviennent alors une évidente solution de facilité pour les personnes engagées dans une relation, à la recherche d’une aventure. Près de 32 % des femmes françaises en couple sont infidèles, contre 55 % des hommes français. Selon plusieurs groupes d’experts, Internet expliquerait en partie l’augmentation du nombre de divorces. « Ce que l’Internet crée, c’est le sentiment qu’il y a peut-être quelque chose de meilleur qui nous attend », développe Eva Illouz.
Mais la réaction peut également être tout à l’opposé : ces relations biaisées par le numérique peuvent créer de la méfiance et une forme de rejet. Le sexe étant devenu un facteur important de sociabilité, cette herméticité engendre de l’isolement. De plus en plus de trentenaires sont vierges, déçus par les possibilités offertes par la société et les codes qui en découlent.

Les robots : l’avenir du sexe ?
Pour cibler ce public bien précis, d’autres types de business apparaissent, comme les maisons closes qui louent des poupées en silicone. Destiné aux curieux, ce nouveau segment du marché du sexe s’adresse en réalité surtout à ceux qui galèrent avec les femmes « in real life ». Les robots sexuels se multiplient, et les entreprises construisent des modèles de plus en plus élaborés. Que ce soit au niveau de la structure, de l’apparence, ou encore du ressenti. Bientôt, ils seront équipés d’une intelligence artificielle. De là à les imaginer remplacer prochainement nos partenaires humains ? « Je pense que les premiers mariages entre les humains et les robots auront lieu vers 2050 », prévoit David Levy, spécialiste de l’intelligence artificielle.

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