Mythique. Voilà l’épithète fourre-tout par excellence, utilisée à toutes les sauces. L’industrie automobile n’y échappe pas et plusieurs modèles dits «mythiques» ne le sont pas (et ne le seront jamais). Du côté des constructeurs comme celui des médias,
il y en a qui ont le superlatif facile. Et puis, qu’est-ce qu’un véhicule mythique? Il faudrait d’abord s’entendre sur les critères. La Coccinelle, la Ford modèle T, la première Jeep, l’Austin Mini sont autant de modèles qui ont laissé leur marque dans l’histoire de l’automobile.
Elles ont cependant un point en commun: leur conduite n’avait rien de très enivrant, pour être poli. La Corvette, par contre… Voilà une voiture qui existe depuis 60 ans (et dont la production n’a jamais été interrompue); une machine à générer de l’adrénaline, qui n’a jamais dérogé
pendant quatre ou cinq années creuses) ; une sportive capable de tutoyer les meilleurs bolides européens pour la moitié, voire le tiers du prix ; une authentique icône américaine, au même titre qu’Elvis, Marilyn ou la bouteille de Coke.
Il y a encore des sceptiques dans la salle ? Ils n’ont qu’à se rendre dans le kiosque à journaux le plus proche. Automobile Magazine, Car and Driver, Road and Track et Motor Trend, les quatre principaux magazines auto- mobiles américains l’ont mise en couverture. À part la Mustang, qui célébrera ses 50 ans l’année prochaine, je ne vois aucune autre voiture américaine capable de réus- sir ce tour de force. Seule une légende vivante a droit à pareil traitement. La Corvet- te est donc une voiture my- thique. Voilà, c’est dit. Cette nouvelle génération, la sep- tième, commence sa vie avec le millésime 2014. Et si les deux précédentes étaient des évolutions de la C4, la C7 fait un grand pas en avant, sans pour autant rompre avec son riche passé. On a d’ailleurs puisé dans la boîte à souvenirs pour ressusciter une appellation glorieuse, Stingray, disparue depuis une trentaine d’années.
Les changements sont nom- breux, mais allons-y avec l’essentiel : nouvelle car- rosserie, nouveau châssis, nouveau moteur et nouvelle boîte de vitesses. Rien que ça. Comme toutes celles qui l’ont précédé, la Corvette 2014 est habillée de fibre de verre, mais le toit et le capot sont faits de fibre de carbone, chasse aux kilos oblige. Son efficacité aéro- dynamique atteint des som- mets, grâce aux précieuses informations recueillies sur les circuits, où les C5 et C6 ont tout gagné. La structure en bénéficie elle aussi : elle n’a jamais été aussi rigide. Le squelette de la bête est constitué d’aluminium, une première pour la ’Vette.
Remercions Chevrolet de ne pas nous priver du plaisir de jouer du levier. De plus en plus de sportives nous impo- sent la boîte robotisée ; les futurs propriétaires de Cor- vette auront encore le privi- lège de choisir.
La nouvelle boîte manuelle compte sept rapports tandis que la boîte automatique à six rapports permet aussi de passer les rapports manuel- lement avec des leviers de chaque côté du volant, com- me c’est désormais la nor- me. Une Corvette ne serait pas une Corvette sans un bon vieux V8 à culbuteurs.
Mais attention, il a été revu de A à Z. Le V8 de 6,2 litres peut donc se transformer en 4-cylindres de 3,1 litres. La puissance descend alors à 126 chevaux, mais le but est de consommer le moins pos- sible. La puissance, nerf de la guerre dans cet univers, grimpe à 455 chevaux et un système d’échappement op- tionnel permet d’en gagner cinq autres. Le couple maxi- mal se situe dans les mêmes eaux: 460 livres-pied (à 4600 tours-minute). De quoi don- ner des sueurs à la Porsche 911, reine incontestée des sportives depuis des décen- nies.
Le profil est bien celui d’une Corvette, avec son long ca- pot et son arrière tronqué. Cette silhouette ciselée, tout en angles, semble avoir été taillée à la serpe, façon Ca- dillac CTS ou Nissan GT-R. Aucune trace de rondeurs. D’ailleurs, le remplacement des phares ronds à l’arrière, une signature de la Corvette depuis le début des années 60, par des blocs optiques carrés a soulevé un tollé chez les aficionados. Sacri- lège! Modèle emblématique s’il en est, la Corvette est en phase avec cette vitalité, tout comme elle l’est avec la réali- té d’aujourd’hui. Même si sa puissance suit une courbe ascendante, sa consomma- tion ne cesse de diminuer, signe d’un raffinement évi- dent, mais aussi d’une prise de conscience. Des argu- ments en moins pour ceux qui sont allergiques à ce type de voiture tandis qu’à l’autre bout du spectre, les fidèles seront comblés: la C7 atteint des sommets partout.