
Roger-Luc Chayer (Photo: Spencer Platt/Getty Images)
Au Gay Globe, nous avons toujours eu pour habitude de consacrer de nombreuses pages couvertures à des chefs d’État ayant le potentiel d’influencer positivement ou négativement les communautés LGBTQ+. Au fil des ans, nous avons mis à l’honneur le président Zelensky, Joe Biden, Barack Obama, Vladimir Poutine, ainsi que la princesse Stéphanie de Monaco, la reine Élisabeth II, le pape François, le prince Harry et, bien sûr, Donald Trump lorsqu’il était à la Maison-Blanche.
Il est évident que le pouvoir de Trump sur les questions LGBTQ+ à l’échelle mondiale était considérable. Le président Obama avait déjà montré l’exemple en conditionnant l’aide financière américaine au respect des droits des personnes LGBTQ+ dans certains pays d’Afrique criminalisant l’homosexualité, ce qui avait eu un impact significatif.
Le problème avec Donald Trump, cependant, était qu’il ne semblait pas particulièrement intéressé par ces questions. Il avait même envisagé de criminaliser la présence des personnes homosexuelles dans l’armée, d’exclure les personnes transgenres du sport, et il soutenait plusieurs lois anti-LGBTQ+ promulguées dans certains États américains.
Il avait été décidé, au Gay Globe, de considérer Monsieur Trump comme un allié potentiel en engageant une communication avec lui afin de susciter une réponse positive aux enjeux que nous souhaitions porter à son attention. Ainsi, une lettre a été soigneusement rédigée et envoyée par livraison spéciale directement à la Maison-Blanche. Voici le texte intégral de la lettre qui avait été traduite en anglais :
Monsieur Donald J. Trump, Président
Maison-Blanche
1600 Pennsylvania Ave NW
Washington, DC 20500
États-Unis
Monsieur le Président,
Je vous écris cette lettre ouverte aujourd’hui afin de vous parler de la question des communautés LGBT, tant dans votre magnifique pays que partout dans le monde. Si je procède ainsi, dans le cadre d’une édition de ce magazine, c’est qu’il se dit beaucoup de choses dans les médias et sur le Web en général sur des prétendues politiques « anti-gaies » qui auraient pour origine votre administration.
Contrairement aux positions traditionnelles des médias et groupes gais, qui tendent à vous condamner haut et fort sur la place publique sans même se donner la peine, souvent, de corroborer les informations qu’ils dénoncent, j’ai décidé de vous écrire pour vous parler de nos réalités et de nos craintes face à ce qui pourrait aussi s’avérer de simples rumeurs. Dans le même esprit, si vous souhaitez répondre et nous parler, je vous offre tout l’espace nécessaire dans ces pages, à la réception de votre réponse.
Pendant des années, sur la question des droits sociaux et des libertés individuelles, les États-Unis ont été un formidable exemple à suivre pour beaucoup de pays et de gouvernements. Tant sur la question de l’égalité raciale que sur l’égalité des personnes homosexuelles, même si tout ne semble pas parfait, votre pays a été un leader et une puissante locomotive suscitant le respect et l’admiration. Or, depuis votre élection, et même pendant votre campagne électorale, de nombreuses voix se sont élevées pour déclarer votre programme social et vos objectifs comme « homophobes ». Certains allaient même jusqu’à dire que vous étiez contre le mariage et les droits égaux pour les personnes homosexuelles et que vous souhaitiez annuler les récentes avancées sur la question.
Inutile de dire que ces affirmations sont inquiétantes non seulement pour les personnes homosexuelles américaines, mais aussi pour celles au niveau international, car l’exemple que vous donnez pourrait inspirer de nombreux autres dirigeants à poser les mêmes gestes et à mettre en place des politiques visant à réduire les droits de ces personnes ou même à les punir encore plus sévèrement pour leur différence. Pour nos différences.
Malgré tout, avant de vous écrire et de tirer mes conclusions, j’ai effectué des recherches assez poussées sur le site Web de la Maison-Blanche et je n’ai pas été en mesure de trouver la moindre information concernant la moindre politique visant les personnes des communautés LGBT. J’ai effectué des recherches avec les mots-clés « homosexual », « homosexuality », « gays », « trans », et « lesbian », et je n’ai trouvé aucune mention de quelque politique que ce soit.
Évidemment, les mêmes recherches effectuées sur Google, en y associant votre nom, nous donnent des centaines de milliers de résultats, mais il est impossible de corroborer ce qui semble être de graves insinuations, je vous l’accorde.
Est-il possible, donc, que toutes ces insinuations, présentées comme des faits, ne soient que des rumeurs propagées par des groupes ayant intérêt à diffuser de telles informations, de telles fausses nouvelles ? De la « fake news » ? Je suis aussi personnellement très troublé par le fait d’associer des déclarations passées de Monsieur le Vice-Président au nazisme. Je pense que tout le monde a droit à ses opinions, mais de là à considérer le Vice-Président des États-Unis comme un nazi, un équivalent d’Adolf Hitler, cela relève de la diffamation. Je n’endosse pas de tels propos qui sont faits au nom des communautés LGBT.
Une seule personne est toutefois en mesure de répondre à tout cela, et c’est vous, Monsieur le Président !
Voyez-vous, les personnes homosexuelles ne sont pas responsables de ce qu’elles sont. Elles ne font qu’exister tout naturellement : ce n’est évidemment ni leur choix ni de leur faute. Mais comme toute autre personne dans votre pays et dans le mien, elles sont égales aux hétérosexuels. On ne peut agir en considérant les personnes LGBT comme inférieures, dépravées ou d’une moindre morale.
Je pense personnellement qu’il n’y a rien de bien choquant à ce que des personnes homosexuelles puissent s’unir amoureusement et légalement, souhaiter adopter des enfants, avoir droit à des pensions comme conjoints survivants, ou simplement exister paisiblement en toute égalité devant la loi. Votre pays est un exemple de démocratie, et c’est à ce titre que je vous invite, sur la question homosexuelle du moins, à clarifier votre position afin de rassurer ces personnes, de nous rassurer, et de nous traiter en bon père de famille, protecteur et unificateur.
Dans de nombreux pays où ces droits ont été améliorés, notamment en Europe, au Canada ou en Océanie, non seulement les personnes de ces communautés se sont mieux épanouies socialement grâce à des lois égalitaires, mais la société elle-même s’est ouverte en général quant à l’acceptation des LGBT. Est-il possible de croire que le Président des États-Unis puisse être un bon père de famille pour toutes et tous et montrer l’exemple au niveau international ? Je le crois sincèrement. Je dis oui !
Merci, Monsieur Trump, d’avoir lu cette lettre ouverte qui vous a été acheminée avant publication pour vous permettre d’y répondre. Il s’agirait d’une première historique, et ce dialogue pourrait faire beaucoup de bien au cœur de nos communautés.
Bien à vous…
Roger-Luc Chayer, éditeur
Malheureusement, Monsieur Trump avait choisi de ne pas répondre à cette lettre, ce qui a fermé la porte à toute possibilité de communication, tout en nous donnant la certitude que la lettre avait été lue, si ce n’est par lui, au moins par un membre du personnel de la Maison-Blanche.
Nous voilà donc à deux semaines d’une nouvelle élection américaine, alors que s’affrontent Madame Kamala Harris et, à nouveau, Donald Trump. Avons-nous cette fois une chance que le candidat Trump, s’il redevenait président des États-Unis, considère enfin la question LGBTQ+ ? Je ne le crois pas.
Depuis son départ de la Maison-Blanche jusqu’à la campagne électorale actuelle, y compris avec son colistier J.D. Vance, jamais la question de l’homosexualité ou des droits LGBTQ+ n’a été soulevée ou abordée. Plus que jamais, nous faisons face à un obscurantisme total sur ces questions. En écoutant son discours actuel sur les immigrants, ses propos sur son intention de devenir dictateur dès le premier jour de son éventuelle réélection, ou encore ses tirades haineuses sur tout et n’importe quoi, il semble peu probable que notre sort collectif soit amélioré par son retour à la Maison-Blanche.
Pour cette raison, nous n’appuyons pas sa candidature, pour ce que cela vaut, et nous espérons que les prochaines années, sous une éventuelle présidence Harris, seront l’occasion d’améliorer le sort des LGBTQ+ aux États-Unis et, par ricochet, dans le monde entier.