ENQUÊTE: LE BERGER BLANC

Roger-Luc Chayer

Le Berger Blanc est une corporation privée, enregistrée sous le numéro d’entreprise 1143386838 au Registre des entreprises du Québec depuis 1995. Contrairement à la Société protectrice canadienne des animaux (SPCA), qui est un organisme sans but lucratif, le Berger Blanc est un commerce qui vend des animaux, des accessoires et qui obtient des contrats de fourrière par certaines municipalités ou arrondissements du Québec.

Daniel Demontigny, que nous connaissons déjà au magazine pour quelques contributions rédactionnelles passées, a décidé de se procurer, en décembre, un chien de compagnie. Gay Globe s’est intéressé à la situation actuelle parce que nous connaissons la rigueur avec laquelle M. Demontigny s’investit dans ses projets. Le récit de son expérience avec le Berger Blanc en est un assez surprenant! M. Demontigny nous a contactés pour nous expliquer qu’il s’était procuré un chien «pitbull-labrador» au coût de 460,00$, et que c’est seulement rendu chez lui que l’animal a commencé à démontrer des problématiques de plus en plus graves qui pouvaient possiblement mettre en danger d’autres chiens ou des enfants. Monsieur Demontigny, après quelques jours, a décidé d’informer le Berger Blanc de la situation, car à aucun moment on ne lui avait dit que le chien pouvait avoir des problèmes d’agressivité circonstanciels.

Alexandrine Couture est directrice de l’exploitation pour les deux succursales de la région montréalaise du Berger Blanc. Lors d’une conversation téléphonique avec M. Demontigny, qui souhaitait un remboursement, Mme Couture lui a offert une fin de non-recevoir en lui disant qu’il devait laisser au chien le temps de s’adapter et que ses services d’évaluation n’avaient jamais détecté la moindre agressivité ou trouble particulier avec le chien de 3 ans.

Jusque-là, on pourrait croire à une simple transaction entre un client et un commerce qui tourne mal, et il faut tout naturellement présumer la bonne foi de toutes les parties. Mais voilà, une étude plus approfondie de la documentation et des courriels nous donne l’impression que le Berger Blanc n’est pas si blanc que ça!

Par exemple, avant même que mon article soit rédigé, alors que j’avais tenté un premier contact avec Mme Couture, cette dernière écrivait au Conseil de presse du Québec pour vérifier une information de ma part, tout en tenant des propos assez graves sur mon intégrité. En effet, en réponse à ma demande d’entrevue par courriel du 11 décembre 2019, celle-ci me demandait de lui fournir mes questions au préalable, ce que je ne fais jamais, et je lui ai expliqué que le Conseil de presse ne le recommandait pas non plus. Dans un courriel de Mme Couture qui m’était adressé, daté du 12 décembre, elle prétend «qu’il nous a été mentionné que bien qu’il n’y ait aucune obligation de votre part de divulguer vos questions par écrit, il n’y a aucune interdiction à cet égard non plus.»

Dans ce même courriel, elle ajoutait qu’à titre de journaliste, je l’aurais contactée de façon confidentielle sur la page Google review du Berger Blanc pour lui donner une mauvaise note, questionnant un éventuel conflit d’intérêts, parlant d’un manque d’intégrité de ma part et affirmait que mon commentaire pouvait porter atteinte à la réputation du Berger Blanc, etc. Il est surprenant de lire ce qui ressemble à une «presque plainte», car elle comporte beaucoup d’erreurs et de fausses déclarations à mon endroit. En fait, il s’agissait du début d’une longue série de communications inexactes, pour ne pas dire fausses, à tous les niveaux de ce dossier d’enquête.

Afin de répondre aux affirmations faites au Conseil de presse, j’ai écrit à Mme Couture que mon message sur Google n’était pas confidentiel puisqu’il était sur une page publique, et que le nom affiché était mon identité Gmail. Dans le message sur Google, j’avais clairement mentionné que je ne pouvais écrire un commentaire sans mettre d’étoile, le seul moyen de le publier était d’y mettre une seule étoile de base, c’était purement technique. J’ai ensuite démontré, par deux articles du guide de déontologie du Conseil, que les journalistes ne fournissent pas leurs questions au préalable. Article 8. Matériel journalistique: Les journalistes et les médias d’information ne transmettent pas leur matériel journalistique à des tiers, sauf si la loi leur en impose l’obligation ou s’il existe un intérêt public prépondérant justifiant de le faire. Article 13.1 Droit de regard des sources: (1) Les journalistes n’accordent pas à leur source de droit de regard sur le contenu à être diffusé ou publié. Et je lui ai expliqué plus longuement mon intention…

Pendant ce temps, M. Demontigny tentait toujours de son côté de régler l’affaire en expliquant à Mme Couture la situation avec le chien, et cette dernière, très autoritaire selon lui, refuse tout remboursement en lien avec des problèmes qu’elle qualifie de «comportementaux». C’est alors que M. Demontigny, dans un courriel du 10 décembre, expliquait ses vives inquiétudes à Mme Couture sur un événement précis s’étant produit juste avant, et persistait à dire que le Berger Blanc ne lui avait pas divulgué l’état réel du chien.

Le 11 décembre, Mme Couture lui écrit qu’elle va voir si une exception pouvait être faite pour reprendre le chien et s’engageait à faire les vérifications requises pour cette exception. Mais voilà que la situation se corse et que des déclarations plutôt incohérentes sont faites tant à M. Demontigny qu’à l’auteur de ces lignes. Dans un courriel du 11 décembre à 11h47, Mme Couture écrit textuellement à M. Demontigny: «Après vérifications vous pourrez ramener Buddy à notre succursale de Laval. J’ai transmis votre dossier à la direction qui se chargera d’évaluer si un remboursement pourra être autorisé. Cordialement» Ce courriel est très clair, la directrice du Berger Blanc dit à M. Demontigny qu’il peut RAMENER le chien à Laval.

Or, le lendemain 12 décembre à 14h40, après avoir effectivement reçu le chien de M. Demontigny à Laval 3 heures auparavant, Mme Couture me transmet un courriel qui dit: «M. Demontigny a abandonné le chien à nos locaux ce matin, refusant de signer toute désistation. (sic)» De toute évidence, ce courriel était mensonger et pouvait potentiellement nuire à la réputation de M. Demontigny, car non seulement il n’a pas abandonné un chien au Berger Blanc, la directrice lui a demandé de le ramener la veille, par écrit! Toute une différence! Le fait d’abandonner un animal est un geste grave et généralement considéré comme immoral par le public. Laisser une boîte de chatons à la porte du Berger Blanc et partir, ou entrer avec un chien et le laisser sur place en fuyant, ça c’est un abandon. Venir avec l’autorisation de la directrice, remplir des formalités, rester avec l’animal tant qu’il n’est pas pris en charge par un employé, ça c’est une remise. L’accusation de Mme Couture contredisait son courriel et sa propre autorisation de la veille.

Toujours le 12 décembre à 14h39, Mme Couture envoyait un courriel à M. Demontigny qui disait: «Comme vous avez abandonné Buddy à nos locaux ce matin ce dernier est réévalué à la lumière des commentaires que vous avez portés sur son comportement.»

Il s’agit encore une fois d’une fausse déclaration de sa part, puisque la veille, elle autorisait M. Demontigny à ramener le chien, pas à l’abandonner! De plus, quand elle déclare que M. Demontigny avait refusé de signer «toute désistation (sic)», voulant probablement dire un désistement, là encore, la directrice du Berger Blanc fait une affirmation qui pouvait potentiellement nuire à la réputation de M. Demontigny, si ce n’avait été d’un geste de grande prudence de sa part. Il a effectivement enregistré le retour du chien avec son cellulaire, en présence d’un témoin (Éric), et Gay Globe a obtenu copie de l’enregistrement. D’une durée de 6 minutes 44 secondes, l’enregistrement est limpide. On entend clairement que le chien a été remis, le reçu de l’employé du Berger Blanc, J* (son identité n’est pas nécessaire à la compréhension de notre enquête) atteste d’ailleurs de cela avec la mention «Remi le chien» (sic), avec la signature de J*, et contrairement à l’affirmation de Mme Couture, jamais on a demandé à M. Demontigny de signer un désistement. La question n’a même jamais été posée. D’où vient alors l’affirmation pourtant grave faite par Mme Couture? Quant au contrat et aux annexes en possession de M. Demontigny, que Mme Couture invoque en long et en large pour se soustraire à certaines de ses obligations et pour nier toute responsabilité, Gay Globe a été en mesure d’examiner chaque page et de tirer les conclusions suivantes: En page 1, le Berger Blanc ne fait état d’aucune condition physique non couverte par la garantie et Monsieur Demontigny y appose ses initiales. Toutefois, en page 2, où se retrouvent les clauses limitatives, à la section «Le Berger Blanc ne peut être tenu responsable, pour quelque raison que ce soit, du comportement de l’animal vendu et n’accordera aucun remboursement dans un tel cas», les initiales de l’acheteur sont absentes! On ne peut donc dire qu’il a vu la clause.

Même chose pour un élément de la page où il est écrit: «Je confirme avoir lu et compris les termes et clauses de la garantie et, par ma signature, je m’engage à respecter toutes les clauses de ce contrat», la section est vide! M. Demontigny n’a pas signé cet engagement. M. Demontigny semble avoir découvert une condition de santé imprévue au contrat. En effet, selon ses observations, le chien semble être atteint d’une maladie mentale et non d’un trouble du comportement. Selon le Centre Vétérinaire Daubigny (Le Quotidien, mars 2017), chez le chien, la maladie mentale ne porte pas de nom. Les vétérinaires remarquent qu’elle est pourtant la principale raison d’abandon ou d’euthanasie des animaux domestiques. On essaie parfois même de dissimuler ces troubles derrière des raisons erronées comme la mauvaise éducation ou le passé nébuleux. Pourtant, l’éducation n’aura pas beaucoup de pouvoir pour faire changer l’animal malade mentalement. Dans cette optique, est-ce que M. Demontigny aurait droit à un remboursement pour vice caché?

La garantie légale du Québec est une garantie gouvernementale supplémentaire à celle du Berger Blanc, qui couvre l’ensemble des biens vendus et achetés au Québec. Un chien étant considéré comme un bien. La garantie permet d’exiger que le bien procuré n’ait pas de vice caché, à savoir un défaut si important faisant en sorte que le consommateur n’aurait pas acquis le bien ou n’aurait pas payé si cher s’il avait eu connaissance du vice avant l’acquisition, un défaut n’ayant pas été révélé et que le consommateur ne pouvait déceler par un examen ordinaire du bien ou un défaut existant avant l’acquisition du bien. Selon Le Droit (déc. 2017), le commerçant ne peut se soustraire à cette garantie même si le client y a renoncé au contrat, comme la garantie est une loi dite d’ordre public. Est-ce que cette affaire se retrouvera devant les tribunaux?

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