Homosexualité, écologie, migrants… Les engagements en chanson de Charles Aznavour

Par lefigaro.fr

Le chanteur s’est éteint dans la nuit de dimanche à lundi à l’âge de 94 ans. Il laisse derrière lui des milliers de fans endeuillés. L’interprète, qui a commencé sa carrière dans les années 1950, en a pourtant surpris plus d’un avec les prises de position dans ses titres, de Comme ils disent à Camarade.
Avec plus de 1000 titres à son répertoire, Charles Aznavour a conquis le monde entier. Au-delà de ses chansons mythiques, de La Bohème à La Mamma, il a aussi surpris son public par ses prises de position. Le Franck Sinatra français commence sa carrière dans les années 1950. En Hexagone, Edith Piaf, Juliette Gréco et Yves Montand règnent sur le monde de la musique. En 1960, la carrière de Charles Aznavour est lancée grâce à J’me voyais déjà, qu’il interprète pour la première fois à l’Alhambra. Il enchaîne ensuite les titres à succès, aux paroles parfois (très) engagées. Il aborde des thèmes sociétaux tabous, du génocide des Arméniens à l’homosexualité.

Charles Aznavour a vécu la guerre pendant son adolescence. Durant l’Occupation, sa famille est venue en aide à des réfugiés juifs en les cachant sous leur toit. C’est une période qui a particulièrement touché l’artiste. En 1968, il diffuse le titre Les enfants de la guerre. Un hommage aux jeunes qui sont directement affectés par des conflits armés à l’international. «Les enfants de la guerre, ne sont pas des enfants. Ils ont l’âge des pierres, du fer et du sang», chante-t-il. Charles Aznavour avait le sens des phrases d’accroche dans toutes ses chansons. Sa façon à lui de capter l’attention de son audience.

Durant les années 1970, Charles Aznavour interprète deux chansons qui vont marquer les esprits, et manquer de peu de ruiner sa carrière. La première, Mourir d’aimer, est inspirée de l’histoire de Gabrielle Russier. Une enseignante qui se suicide en 1969 à Marseille après avoir eu une relation avec l’un de ses élèves, mineur. Son histoire a choqué l’opinion publique dans une période où la femme commence tout juste à s’émanciper. «Les parois de ma vie sont lisses, je m’y accroche mais je glisse, lentement vers ma destinée, mourir d’aimer», fredonne Aznavour.

Peu de temps après, il va encore plus loin en s’attaquant à un sujet tabou: l’homosexualité. Dans Comme ils disent, il revient sur l’histoire d’un homme travesti qui vit chez sa mère et exerce un métier de la nuit. «Je suis artiste. J’ai un numéro très spécial, qui finit en nu intégral, après strip-tease. Et dans la salle je vois que, les mâles n’en croient pas leurs yeux, je suis un homo comme ils disent.» Il racontait alors au Figaro: «Ça a jeté un froid. Puis on m’a demandé qui allait chanter ça. J’ai répondu: “moi”. Nouveau silence. Puis quelqu’un s’est inquiété de savoir si je ferais une annonce. Vous m’imaginez annonçant sur scène que je vais me mettre à la place d’un homosexuel, alors que je ne le suis pas? Il n’était pas question de reculer!»

Aznavour et l’Arménie
Aznavour c’est aussi, et surtout, l’Arménie. Le fils d’immigrés a dédié plusieurs chansons à son pays d’origine. En 1975, il chante Ils sont tombés pour le soixantième anniversaire du génocide des Arméniens. «Ils sont tombés, sans trop savoir pourquoi. Hommes, femmes et enfants, qui ne voulaient que vivre», entonne le musicien. Onze ans plus tard, c’est avec Les Émigrants qu’il rend hommage à toutes les personnes obligées de fuir leur pays pour un autre. Il a commencé plusieurs de ses derniers concerts avec ce titre, qui résonne avec l’actualité et la crise des réfugiés en Europe. «Comment crois-tu qu’ils sont venus, ils sont venus les poches vides et les mains nues. Pour travailler à tour de bras et défricher un sol ingrat», récite-t-il.

Enfin, Charles Aznavour était engagé pour l’écologie. En 2007, il interprétait La terre meurt. Sur un rythme latino, il ajoute des paroles alarmistes: «Les océans sont des poubelles, les fonds de mer sont souillés, les Tchernobyl en ribambelles, voient naître des fœtus mort-nés.» Le 3 septembre, il faisait partie des 200 personnalités à avoir signé une tribune dans Le Monde en faveur d’une action politique forte contre le réchauffement climatique. Un homme de tous les fronts, en avance sur son temps.