L’école, espace homophobe et transphobe? L’Unesco fait le point

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À l’occasion du 10 décembre, journée des droits humains, l’Unesco a fait le point sur son action pour lutter contre le harcèlement homophobe et transphobe en milieu scolaire.

À l’occasion de la journée mondiale des droits humains le 10 décembre, l’Unesco accueillait un séminaire pour aborder la question de la protection du droit à l’éducation des enfants et des jeunes LGBT. Autour de la table, plusieurs militant.e.s sont venu.e.s partager leur expérience autour de ce sujet encore très récent.

UN MAL QUI AFFECTE L’ÉCOLE DANS SON ENSEMBLE
Christophe Cornu, de la Section de l’Éducation pour la Santé et la Citoyenneté Mondiale à l’Unesco, pose le sujet: «Est-ce exact de parler de jeunes et d’enfants LGBT, quand on a coutume de dire que les enfants n’ont pas sexualité?». Pour éviter tout malentendu, il définit le terme «enfants» tel qu’il est employé dans ce contexte: «Les enfants englobent les moins de 18 ans, les adolescent.e.s la tranche d’âge des 10-19 ans, et les jeunes celle des 10-24 ans». Il rappelle que la prise de conscience de l’orientation sexuelle se fait très généralement avant la puberté et avant le premier rapport sexuel, qui lui-même a lieu en moyenne avant la majorité. Pour ce qui est de l’identité de genre, des études montrent qu’elle se produit à un très jeune âge, entre 3 et 6 ans. «En 2011, l’Unesco a lancé une première consultation internationale sur les violences homophobes et transphobes à l’école», rappelle Christophe Cornu. Depuis, plusieurs conférences ont été organisées aux quatre coins du monde pour identifier les différentes facettes du problème et mettre en œuvre des solutions concrètes. Car le phénomène est en soi énorme.

L’enjeu est de taille car le harcèlement scolaire n’est pas sans conséquences, sur la santé mentale et physique d’une part, mais aussi sur les résultats scolaires. En outre, cette violence viole le principe de la sûreté des écoles et est un obstacle à la réalisation du principe de l’Éducation pour tous.

Christophe Cornu fait un bref rappel sur l’évolution de la prise en compte de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre dans la protection de l’enfant: «C’est en 2003 que le comité des droits de l’enfant des Nations Unies apporte la précision de l’orientation sexuelle aux motifs de discrimination déjà existants. Plus récemment, en novembre 2014, pour la première fois l’Unicef a fait part dans une déclaration de position de son engagement dans la lutte contre les discriminations au motif de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.»

CONSTATS ET PREMIÈRES APPROCHES
Khouloud Mahdhaoui, militante LGBT et féministe tunisienne, expose les difficultés rencontrées dans les pays du Maghreb, dont les textes de lois héritées de la colonisation criminalisent encore l’homosexualité et entraînent des condamnations à des peines de prison: «Le tabou autour de la sexualité de manière générale rend très difficile la déconstruction des normes hétéronormatives. Il est difficile de travailler sur ces sujets auprès des mineurs, car cela entraînerait le risque d’ajouter un chef d’inculpation.» Elle soulève le problème du manque de prise en compte des questions LGBT dans les droits humains, au profit des questions de santé: «La société civile se mobilise sur la question du VIH, mais cela touche la population gay. La santé des femmes lesbiennes et des personnes trans’ est de toute façon totalement passée sous silence.»

Anthony Manion, directeur de l’organisation Gay and Lesbian Memory in Action (Gala), qui promeut l’histoire, la culture et l’éducation LGBTI en Afrique, présente le travail de collecte lancé dans cinq pays d’Afrique australe, au Botswana, en Namibie, au Lesotho, en Afrique du Sud et au Swaziland. «C’est un contexte assez hostile à ces problématiques», note Anthony Manion. C’est pour cette raison que l’organisation a mené des enquêtes et des réunions consultatives, en usant d’une terminologie adaptée à chaque pays, en fonction notamment de l’acceptation sociale, de la législation en vigueur. L’objectif de cette collecte est de réussir à voir ce qui est déjà mis en œuvre pour ensuite réussir à aborder les questions de harcèlement homophobe et transphobe de la manière la plus efficace possible. L’organisation Gala est par ailleurs à l’origine de la plateforme Hear Us Out, qui propose notamment des ressources et des outils pour les jeunes LGBT mais aussi pour les éducateurs/trices.

Francisco Gutierrez, deuxième secrétaire de la délégation permanente de la Colombie auprès de l’Unesco, donne un aperçu de la situation en Amérique latine. Une conférence réunissant neuf pays a eu lieu en octobre dernier à Bogota: «C’était la première fois qu’une discussion réunissait des ministères de l’Éducation et des représentants d’ONG pour aborder le sujet de la lutte contre ces discriminations». Peu de données existent sur ce qui est mis en œuvre dans chaque pays, c’est pourquoi des questionnaires ont été envoyés dans les ministères de l’Éducation afin de voir quelles sont les informations dont ils disposent sur le sujet. Malgré leur proximité, il existe une certaine disparité entre les pays d’Amérique latine, avec des pays particulièrement progressistes comme l’Argentine, ou l’Uruguay, et l’Amérique centrale où la situation est plus contrastée ou les Caraïbes où il existe encore plusieurs pays appliquant une législation criminalisant l’homosexualité.

S’ADAPTER POUR GAGNER EN EFFICACITÉ
Les différents exemples évoqués montrent un problème global, aucun pays n’est épargné, mais il est impossible de solutionner de façon universaliste: «La question de l’approche est primordiale, confirme Christophe Cornu, car dans beaucoup de pays, il y a une résistance. Il s’agit alors de trouver la bonne manière de parler du harcèlement homophobe et transphobe. Doit-on le faire sous l’angle de la non-discrimination et du respect des différences? De l’éducation civique? De l’éducation sexuelle?» Complètement ignoré il y a quelques années, l’enjeu est aujourd’hui pris à bras le corps, grâce à l’avancée des droits qui progresse un peu partout dans le monde, mais aussi à la médiatisation de jeunes LGBT victimes de harcèlement qui ont mis fin à leurs jours, car rien n’était fait pour détecter ce qu’ils/elles subissaient. «Un rapport sera publié en mai 2016, avance déjà Christophe Cornu, qui fera état de la prévalence du problème et montrera l’évolution des réponses. L’objectif sera de créer des données de référence.»

 

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