Par: Maître Claude Chamberland, avocat et médiateur accrédité à la Cour des Petites Créances
Q : Bonjour Me Chamberland. Cet après-midi j’étais chez mon notaire pour finaliser mon testament et mon mandat en cas d’inaptitude et on a parlé du statut de couple légalement dans le code civil et fiscalement et nous n’avions pas les réponses. Pourquoi est-ce que deux colocs qui vivent ensemble sont réputés être un couple pour l’impôt? Qu’est-ce que le code civil dit pour des conjoints non mariés? Merci de m’éclairer un peu à ce sujet. -Louis P.
R : Bonjour Louis. Premièrement, je vous félicite pour votre sens des responsabilités. Plusieurs personnes traînent à régler ces questions de testaments et de mandats, alors que ces formalités somme toute assez simples enlèveraient un poids considérable des épaules de leurs proches.
Historiquement, la notion de couple a évolué et le droit a suivi assez rapidement cette évolution si on compare la situation du Québec avec celle d’ailleurs dans le monde. La reconnaissance légale du droit au « mariage pour tous », un combat mené par la communauté LGBT il y a déjà plus de 20 ans, a permis de régler cette question sans les fortes résistances sociales remarquées dans d’autres pays. Dans ce cas, comme dans le cas de l’union civile, des règles de forme précise (art. 521.1) prévues au Code Civil consacrent la légalité de l’union et en permettent la preuve facilement, ce qui au final était le but recherché par les couples : une reconnaissance légale leur permettant de bénéficier de la rente de conjoint survivant ou d’hériter de plein droit lorsque leur conjoint(e) n’a pas eu la prévoyance de Louis, par exemple…
C’est lorsque ces conditions de forme sont absentes que certains problèmes peuvent se présenter, notamment pour prouver l’existence du couple ou, inversement, la séparation. Afin de palier ces problèmes potentiels, certaines lois ont donc adopté leur propre définition de la relation de couple pour créer et baliser des droits ou des obligations. Le cas le plus évident est celui de l’impôt, où la notion de conjoint entraîne un ensemble de conséquences fiscales représentant beaucoup d’argent, tant pour les individus que pour les gouvernements.
Malheureusement, la notion de cohérence est souvent absente du corpus législatif : les définitions se sont faites à des époques différentes, par des paliers de gouvernement différents (loi provinciale vs loi fédérale) et avec des objectifs différents.
Quelques exemples:
Impôt : Pour l’application de la Loi sur les impôts du Québec et de ses règlements, l’article 2.2.1 L.i. définit l’expression « conjoint d’un contribuable » comme comprenant son conjoint de fait. À cette fin, est considéré comme conjoint de fait d’un contribuable à un moment quelconque, la personne de sexe différent ou de même sexe qui à ce moment, vit maritalement avec le contribuable et soit a ainsi vécu avec lui tout au long d’une période de 12 mois se terminant à ce moment, soit est le père ou la mère d’un enfant dont le contribuable est le père ou la mère.
Immigration au Canada: Le paragraphe 1(1) du Règlement définit un conjoint de fait comme une personne qui vit avec la personne en cause dans une relation conjugale depuis au moins un an. Pour évaluer si des personnes sont en union de fait, on vérifie les caractéristiques suivantes : le partage d’un toit, les rapports personnels et sexuels, les services, les activités sociales, le soutien financier, les enfants et l’image sociale du couple .
Aide sociale : Au sens de la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles, sont des conjoints les personnes liées par un mariage ou une union civile qui cohabitent, les personnes de sexe différent ou de même sexe qui cohabitent et qui sont les parents d’un même enfant, sauf à l’exception prévue, ou encore, les personnes majeures de sexe différent ou de même sexe qui vivent maritalement et qui ont déjà cohabité pendant un an. Dans ce dernier cas, la notion de vie maritale s’analyse en fonction de trois critères qui sont la cohabitation, la nature du secours mutuel qui existe entre les personnes et la commune renommée. La démonstration de ce dernier critère, que l’on dit accessoire, est souvent fort utile pour apprécier l’ensemble de la preuve.
Rentes du Québec : Selon la Loi sur le régime de rentes du Québec, pour que des personnes soient considérées comme des conjoints au décès de l’une d’elles, celles-ci devaient, si elles n’étaient pas mariées ni unies civilement, avoir vécu maritalement pendant au moins les trois années précédant immédiatement le décès. Vivre maritalement signifie que les deux personnes devaient résider ensemble d’une manière constante et régulière dans la même demeure, s’apporter une entraide économique, morale et affective, et se présenter publiquement comme conjoints.
Dans nos contrats (actes de fiducie, testaments) : Lorsqu’il est souhaitable qu’une désignation de fiduciaire ou de bénéficiaire soit conditionnelle à ce que la personne concernée se qualifie à titre de «conjoint» tel que ce terme sera défini à l’acte, une rédaction soignée et attentive au cas en l’espèce devra avoir lieu. Autrement, des conséquences inattendues pourraient survenir. Par exemple, si on stipule que, pour être conjoint, il faut faire « vie commune », que se passe-t-il si un des deux doit être placé en CHSLD en raison de son état de santé? Souhaite-t-on vraiment l’exclure de certains droits fiduciaires ou successoraux?
En conclusion, mon cher Louis, à moins d’un mariage ou d’une union civile tels que définis au Code Civil du Québec, les notions de couple, de conjoints, de vie maritale, etc. se définissent en rapport avec la loi spécifique applicable à une situation donnée ou avec l’acte juridique entraînant une situation donnée.