Roger-Luc Chayer (Image: Adobe Stock)
On les voit partout, autant dans les grandes villes que dans les coins les plus reculés : ces zombies qui déambulent, dépourvus de toute âme. Ces sortes d’humains, en réalité déshumanisés, restent parfois accroupis pendant de longues minutes, immobiles, sans le moindre signe de vie. L’une des substances responsables de ces ravages, particulièrement chez les personnes les plus vulnérables, est le nitrazène (ou protonitrazène), un composé chimique extrêmement dangereux qui fait son apparition sur les marchés européen et nord-américain.
Hier soir, à Montréal, dans le Village gai, un administrateur d’un groupe Facebook très populaire a souligné l’absence de circulation et l’état déserté de la rue Sainte-Catherine, après avoir observé plus de 80 personnes visiblement sous l’effet de drogues en l’espace de quelques pâtés de maisons.
Qu’est-ce que le Nitrazène?
Le nitrazène est une substance chimique extrêmement puissante et dangereuse, appartenant à la catégorie des opioïdes synthétiques. Conçue à l’origine pour des usages médicaux très spécifiques, elle a malheureusement trouvé son chemin sur les marchés de la drogue, comme de nombreux autres médicaments. Son usage non contrôlé provoque des effets dévastateurs sur le système nerveux, entraînant une dépendance rapide, des comportements erratiques et un risque élevé de surdose.
Le nitrazène provoque une euphorie intense accompagnée d’une forte sédation, mais il déprime gravement le système respiratoire, ce qui peut entraîner une surdose mortelle. Son usage prolongé engendre une dépendance rapide et une tolérance accrue, obligeant à augmenter les doses pour obtenir les mêmes effets, tout en exacerbant les risques pour la santé.
Le problème, c’est que la plupart des drogues de rue contiennent des ingrédients dont même les vendeurs ignorent la composition. Il suffit de quelques molécules en trop dans un comprimé pour que l’euphorie se transforme en coma.
Quels sont les signes précurseurs d’une surdose?
Les signes d’un arrêt respiratoire dû à une surdose se manifestent par une respiration qui devient de plus en plus lente et superficielle, parfois entrecoupée de longues pauses. La peau, en particulier autour des lèvres et des ongles, peut prendre une teinte bleuâtre en raison du manque d’oxygène. La personne peut également perdre connaissance, devenir extrêmement pâle et ne plus réagir aux stimuli externes. On pourrait souvent croire qu’une personne est décédée, alors qu’elle se trouve en réalité dans un coma profond et qu’une intervention rapide pourrait encore lui sauver la vie.
Prévention et intervention
Malheureusement, avec le nitrazène, comme avec la plupart des autres opioïdes, notamment le fentanyl, les surdoses sont fréquentes. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 125 000 personnes sont mortes d’une surdose d’opioïdes en 2019. En France, 80 % des décès par surdose sont attribués à ces substances.
À Montréal, on dénombre parfois entre 4 et 6 décès par semaine. Par exemple, au Québec, entre juillet 2021 et juin 2022, 490 décès par surdose ont été recensés, un chiffre alarmant.
La prévention est presque impossible, car les consommateurs de ces drogues n’ont souvent plus la force physique ou mentale pour faire tester leurs substances. Ils consomment avant tout pour échapper à la dure réalité de la rue. Il est essentiel de comprendre que ce fléau ne touche pas les millionnaires, mais bien les personnes les plus défavorisées et en détresse. Alors, comment intervenir efficacement dans une telle situation ?
Mettons de côté les désintoxications et autres interventions sociales qui ne donnent souvent aucun résultat. Il suffit de regarder le nombre de « zombies » dans nos villes pour comprendre que la drogue est plus forte que la volonté. La solution la plus simple est de s’informer sur l’utilisation de la naloxone, le seul antidote contre tous les opioïdes, et d’intervenir avec ce produit dès qu’une personne semble en détresse physique. La naloxone est sans danger et agit en quelques secondes.
Mais la vraie question reste : est-ce que le consommateur en surdose souhaite réellement être sauvé ? Sauvé pour aller vers quoi ?