Par le Professeur Jean-Michel Claverie via Pourquoidocteur.fr
Le Professeur Luc Montagnier, découvreur du VIH et spécialiste de ce virus a déclaré récemment que le COVID-19 serait né d’une recherche chinoise sur le VIH et comporterait plusieurs points communs avec ce virus. Or, cette affirmation, qui a eu l’effet d’une bombe dans les milieux spécialisés, a été démentie par la suite. Voici l’analyse du professeur Claverie sur cette question.
Le Pr Jean-Michel Claverie, spécialiste de génomique, revient sur les assertions du Pr Luc Montagnier concernant le caractère «fabriqué» du nouveau coronavirus. Il explique simplement pourquoi c’est impossible. Dans plusieurs interviews récentes, le Pr Luc Montagnier a déclaré que le SARS-CoV-2 serait un virus manipulé par les Chinois et qui contiendrait de l’ADN de VIH (le virus du SIDA) ! Cette allégation reposerait sur la détection de similarités entre le génome du SARS-CoV-2 et celui du VIH. Les « textes » de ces génomes, écrits en une suite de « bases », désignées par des lettres (A, T, G, C), pour les deux virus, sont publiquement accessibles dans les bases de données publiques comme celle du National Institute for Biotechnology Information aux États-Unis.
Ces deux génomes, longs de 30.000 lettres (ou bases) pour le SARS-CoV-2 et de 9.200 lettres (ou bases) pour le VIH, codent, entre autres, pour les protéines qui permettent aux virus de se multiplier et de fabriquer les particules virales qui permettent leur dissémination. Grâce aux méthodes du génie génétique, il est effectivement possible modifier les « textes » de tous les génomes, soit en modifiant une lettre à la fois, soit en y insérant l’équivalent de « paragraphes » (au moins 300 lettres) qui coderaient pour une protéine. Pour détecter si une insertion a eu lieu, il s’agit de procéder comme on le ferait pour détecter un plagiat dans un roman: on regarde s’il n’y a pas, par endroit, des similarités un peu trop flagrantes, par exemple un paragraphe quasi-identique dans les deux textes. Si cette similarité concerne seulement quelques mots, ou une phrase (par exemple une citation), on estimera qu’il n’y a pas eu d’emprunt d’un texte dans un autre.
Pour que le plagiat soit caractérisé, il faut que l’étendue cette ressemblance dépasse la longueur communément admise pour une coïncidence entre deux textes écrits dans la même langue. La comparaison de deux génomes (pour détecter les éventuels emprunts de gènes de l’un vers l’autre) repose sur le même principe.
Si l’on reprend maintenant le bout de séquence de SARS-CoV-2 qui aurait été emprunté au HIV (selon M. Montagnier), et qu’on le cherche dans les textes des génomes d’autres souches de coronavirus bien plus anciennes (et naturellement associés aux chauves-souris), on peut vérifier qu’il est bien présent. Cette zone de séquence code pour la séquence protéique est conservée à l’identique dans toutes les souches de coronavirus. Cette zone de ressemblance avec le VIH est fortuite, et existait dans la plupart des souches de coronavirus et ce, bien avant l’émergence de la Covid-19.
Enfin, si l’on se concentre sur la protéine du SARS-CoV-2 qui est la plus exposée à la surface du virus (la fameuse protéine «spike»), et qui serait donc la cible à privilégier pour faire un vaccin (car elle est la cible des anticorps) : sa comparaison détaillée avec la protéine d’enveloppe du virus VIH (la cible privilégiée pour faire un vaccin contre ce virus), à l’aide des méthodes universellement admises, ne détecte AUCUNE similarité.