Roger-Luc Chayer
Il y a quelques années, je vous avais parlé dans ces pages du Commissaire à la déontologie policière du Québec, mais avec la multiplication des communications sur les réseaux sociaux et la confusion engendrée par des avis fusant de partout, il m’apparaissait très important d’y revenir. De plus en plus, les policiers sont appelés à faire des interventions qui débordent parfois de leurs compétences. Par exemple, pendant la pandémie, ils devaient souvent intervenir en matière de santé mentale et malgré la bonne foi de la plupart des agents, certains peuvent commettre des erreurs.
C’est ainsi que suite à l’arrestation récente d’un jeune et à l’application du genou sur le cou de la personne couchée par terre, des images ont circulé et des milliers de commentaires ont été faits dont celui-ci: « Il devrait porter plainte à la déontologie policière, il va pouvoir avoir un arrangement avec le policier qui sera forcé de le respecter! ». Bien que l’intention soit bonne, la personne donnait un très mauvais conseil. Voici pourquoi… Selon la page Web du Commissaire: « Le Commissaire à la déontologie policière reçoit et examine les plaintes formulées à l’endroit des policiers, etc. Le Commissaire a une mission déterminante au sein du système déontologique policier. En effet, au terme de l’aide accordée aux citoyens pour formuler leur plainte, de l’examen préliminaire des plaintes, de la conciliation des parties… Etc. »
Le problème avec la conciliation est que tout policier qui entre dans un accord de règlement d’une plainte, sous la supervision du Commissaire et dont l’accord est aussi entériné par le même Commissaire, n’est absolument pas tenu de le respecter, et ça, on ne le dit à personne, ni au moment de la rencontre avec le Commissaire, ni au moment de signer l’accord. Tout accord de règlement du Commissaire est secret ET NE PEUT ÊTRE INVOQUÉ DANS D’AUTRES TRIBUNAUX SI LE POLICIER NE LE RESPECTE PAS.
Malheureusement, certains policiers se servent de ce petit secret pour signer des accords de règlement ou des ententes avec des plaignants, comportant des clauses de réparation qu’ils n’ont même pas l’intention de respecter. C’est ce qui est arrivé dans une affaire datant de quelques années alors qu’un policier s’était engagé par écrit à venir à la Cour municipale de Montréal dire qu’il n’aurait pas du émettre la contravention au plaignant. Au moment de parler, il a simplement déclaré au Juge qu’il n’avait rien à dire. Le plaignant a alors sorti l’entente signée, et le juge a refusé de la lire en disant que le document était secret et ne pouvait être invoqué. Le plaignant a alors poursuivi le policier à la Cour des petites créances pour violation de l’accord, et le juge a répété lui aussi qu’il ne pouvait entendre la cause puisque l’entente était secrète.
Évidemment, recommander de signer un accord de règlement au Commissaire à la déonto est un très mauvais conseil, car rien n’obligera le policier à la respecter. Les personnes qui tiennent tout de même à le faire peuvent entreprendre les procédures à partir du site du Commissaire au https://deontologie-policiere.gouv.qc.ca/commissaire.html