
Maître Claude Chamberland
Dans un jugement rendu en début d’année, le TAT a renversé une décision de la CNESST qui refusait de reconnaître que la condition psychologique d’un travailleur victime de propos et d’attitudes homophobes se qualifiait à titre de lésion professionnelle.
Le TAT mentionne en introduction que la loi ne fait aucune distinction entre les lésions physiques et psychiques. Le travailleur a donc le même fardeau de preuve, soit celui de démontrer, par une preuve prépondérante, la survenance d’un événement imprévu et soudain, par le fait ou à l’occasion de son travail, et l’existence d’un lien de causalité entre cet événement et la maladie diagnostiquée. Ce concept d’événement imprévu et soudain a toutefois été conçu initialement pour des lésions physiques et son interprétation en matière de lésions psychiques n’est pas un exercice facile compte tenu notamment du caractère subjectif et du caractère multifactoriel de ce type de lésions. Cela laisse place à l’appréciation des faits et des circonstances propres à chaque réclamation. Plus particu-lièrement, lors de la recherche de l’événement imprévu et soudain, le Tribunal doit se demander si une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, constaterait elle aussi le caractère singulier ou particulier des faits invoqués, ou si au contraire, cette qualification relève de la seule perception du travailleur. Parmi les événements factuels l’ayant conduit à ses conclusions, le TAT retient les suivants :
A) La surcharge importante de travail du travailleur.
B) Les comportements intrusifs ou intimidants de deux des collègues du travailleur qui notamment :
– désignent les outils en les comparant à la taille de son pénis ;
– prennent à répétition ses outils dans l’étui situé à sa ceinture et les y remettent, sans l’avertir ni le lui demander ;
– utilisent des termes se rapportant à des personnes homosexuelles pour qualifier des situations insatisfaisantes ;
– partagent ouvertement avec le travailleur leurs préjugés concernant les personnes transsexuelles ou homosexuelles, les associant notamment à des pédophiles ;
– lui font des confidences sur leurs prouesses sexuelles et leur consommation de pornographie, en lui précisant notamment leurs préférences ;
– commentent l’apparence physique du travailleur en lui disant, s’il était de sexe féminin, qu’ils lui feraient des avances ;
– miment une masturbation afin de le complimenter sur son travail.
C) L’absence de soutien de la part de la direction.
Ici, les commentaires à l’égard de la communauté homosexuelle ou transsexuelle atteignaient particulièrement le travailleur qui se définissait lui-même comme étant d’orientation pansexuelle. Les comportements et commentaires répétitifs et inappropriés auxquels le travailleur a été exposé ont affecté sa dignité ainsi que son intégrité psychologique. Le TAT a donc considéré que le trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive, découlant de ces événements, se qualifiait à titre de lésion professionnelle parce que la situation débordait du cadre normal, habituel et prévisible du travail.