Par: Sabine Casalonga / Mariefrance.fr
« J’aimerais mourir jeune le plus tard possible », écrivait le romancier Marcel Prévost. Ce mythe de la jeunesse éternelle est peut-être sur le point de devenir réalité. En février dernier, des chercheurs américains ont annoncé avoir réussi à prolonger de plus de 20 % la durée de vie de souris en éliminant une partie de leurs cellules sénescentes – des cellules en fin de vie dont le nombre augmente avec l’âge et qui relarguent des substances toxiques. En outre, ces rongeurs, nettoyés de leurs « vieilles cellules », étaient également en meilleure santé et développaient moins de cancers. De là à imaginer que l’on pourra demain supprimer les cellules sénescentes chez l’homme et retarder le vieillissement, il n’y a qu’un pas ! Même si les effets chez l’animal ne sont pas toujours reproductibles chez l’homme. « C’est un résultat prometteur car il montre qu’en ciblant une seule sous-population de cellules, on peut retarder le vieillissement d’un organisme entier », souligne Gilles Charvin, chercheur CNRS à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire à l’université de Strasbourg. L’auteur principal de l’étude, Jan van Deursen, chercheur à la clinique Mayo dans le Minnesota, a d’ailleurs cofondé la start-up Unity Biotechnology en vue de trouver un médicament pour limiter les effets de l’âge chez l’homme.
Autre coup de tonnerre, en 2015, l’agence américaine des médicaments (FDA) a autorisé pour la première fois un essai clinique qui va évaluer les effets chez l’homme d’une molécule, non pas sur une pathologie donnée, mais sur différentes maladies liées au vieillissement (cancer, diabète, maladies cardio-vasculaires et déficiences cognitives) ainsi que sur la longévité. Il s’agit de la metformine, un médicament connu, utilisé depuis soixante ans contre le diabète de type 2 et qui a des effets suspectés anti-âge.
Si cet essai se montre concluant, son leader Nir Barzilai, directeur du collège de médecine Albert Einstein de New York, espère faire reconnaître par la FDA le vieillissement comme une nouvelle indication thérapeutique. Ce qui serait un véritable tournant et ouvrirait la porte au développement d’autres traitements par l’industrie pharmaceutique mais aussi par de nouveaux acteurs comme Calico, la filiale de Google créée en 2013 et dédiée à cette quête d’une « pilule de jouvence ». Les intérêts en jeu sont énormes et un lobbying puissant est à l’oeuvre aux États-Unis pour obtenir le feu vert de la FDA. « On peut imaginer que la première molécule “anti-vieillissement” puisse être commercialisée dans une dizaine d’années », commente Hugo Aguilaniu, directeur de recherche au CNRS et à l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon, spécialiste des mécanismes de longévité.
Les tenants du transhumanisme, un courant né aux États-Unis qui prône l’usage des nouvelles technologies pour améliorer la durée de vie humaine, pensent que nous pourrons vivre au delà de 120 ans, jusqu’à 500 ans voire 1000 ans (!). « Ralentir considérablement les dégradations liées au vieillissement pourrait être possible dans vingt à trente ans car on progresse dans beaucoup de domaines (thérapies géniques, nanotechnologies, microchirurgie). On pourra vivre plus longtemps en bonne santé et donc mourir plus tard. À plus long terme, il sera envisageable d’arrêter le vieillissement. L’espoir est d’atteindre, non pas l’immortalité, mais l’amortalité (une durée de vie sans limite) ». Cette opinion est cependant loin d’être partagée par tous les chercheurs. « Sur le plan scientifique, rien ne permet de dire que l’on pourra tous vivre beaucoup plus de 120 ans, déclare Patrick Gaudray, généticien.