L’AFFAIRE GABRIELLE BOUCHARD

Jean-Sébastien Bourré

Est-il faux de prétendre que tout ce que l’on écrit sur les réseaux sociaux ne peut affecter un organisme ou une entreprise qui nous emploie, même si l’on en est présidente ?

Toute personne occupant une fonction importante, voire prestigieuse, au sein d’un organisme ou d’une entreprise, relevant aussi bien du domaine public que privé, doit agir de façon éthique afin de ne pas nuire à son employeur. Il vaut mieux ne rien écrire, particulièrement si l’on est un dirigeant, car cela pourrait entacher l’image de notre organisme ou de notre entreprise.

La nouvelle mode, par contre, on peut le constater en se promenant sur les réseaux sociaux, consiste à ajouter la mention suivante au profil : « Mes tweets/publications n’engagent que moi ». Comme si, automatiquement, cela minimisait l’impact de nos messages sur notre organisation et que cela ne pouvait nuire à notre employeur ou à l’organisme que l’on représente.

Dans le cas qui nous préoccupe, Gabrielle Bouchard a, une fois de plus, utilisé le sarcasme pour lancer un débat public. Soulignons toutefois qu’elle n’a pas ajouté la mention « Mes tweets n’engagent que moi » à son profil, ce qui renforce une perception : elle est indissociable de son rôle de présidente de la Fédération des Femmes du Québec (FFQ), ce qui signifie que lorsqu’elle s’exprime sur les réseaux sociaux, c’est nécessairement en tant que présidente. Elle n’a visiblement pas tiré de leçon de ses précédentes frasques. Pouvons-nous écrire ceci lorsqu’on dirige la Fédération des Femmes du Québec, qu’on y a été élue par acclamation et que notre manière de travailler est critiquée par, n’ayons pas peur des mots, une majorité de Québécoises et de Québécois?

«Les relations de couple hétérosexuel sont vraiment violentes. En plus, la grande majorité sont des relations basées sur la religion. Il est peut-être temps d’avoir une conversation sur leur interdiction ou abolition.»
(Source: Radio-Canada)

Nul besoin d’être une firme de relations publiques pour comprendre que les retombées n’ont été positives ni pour elle, ni pour la FFQ, mais également pour les gens des communautés de personnes trans, qui ont été pointées du doigt, une fois de plus, laissant sous-entendre que Gabrielle Bouchard souffrait de maladie mentale « parce qu’elle est trans ». Qu’en est-il des relations publiques ?

D’abord, pour notre compréhension commune, j’ai retenu une définition concernant les relations publiques : « Les relations publiques sont une fonction de direction, de gestion et de communication, à caractère permanent, grâce à laquelle un organisme public ou privé vise à établir, à maintenir et à promouvoir des relations de confiance fondées sur la connaissance et la compréhension mutuelle entre cet organisme et ses publics, internes et externes, en tenant compte de leurs droits, besoins et attitudes, le tout conformément à l’intérêt du public. » (https://fep.umontreal.ca/programmes/certificats/communication/relations-publiques/que-sont-les-relations-publiques/)

À la lumière de cette définition, je reprends donc ma question : est-il faux de prétendre que tout ce que l’on écrit sur les réseaux sociaux

ne peut affecter un organisme ou une entreprise qui nous emploie, même si l’on en est présidente ?

Nous avons été les témoins privilégiés, en suivant cette non-histoire dans les médias, du bris de confiance d’une grande partie de la population envers la FFQ. Les façons de faire de cette présidente, et de son équipe, d’ailleurs, ne permettent pas de maintenir ni de promouvoir de relations de confiance entre l’organisme et la population en général. Au contraire, après avoir publié son tweet désastreux, Madame Bouchard a dû défendre son point de vue publiquement en de nombreuses interventions dans les médias et… s’excuser de l’utilisation du sarcasme. Si au moins c’était la première fois… Mais ce n’est pas tout : son organisme, par le biais du conseil d’administration, a même publié un communiqué pour indiquer qu’il n’endossait pas les propos de sa présidente.

Généralement, après une telle bourde, tout organisme ou toute entreprise doit évaluer l’impact d’un échec et réévaluer ses besoins en matière de communication et ses outils. Procéder à un vote de confiance pour maintenir ou non la présidente en place serait approprié. Ne serait-il pas temps, pour la FFQ, de se poser des questions et d’envisager la possibilité d’empêcher sa présidente d’écrire quoi que ce soit « en son nom personnel » ? Elle sera sans doute difficile à museler, car elle est convaincue de tout ce qu’elle dit. C’est là que le bât blesse.

Madame Bouchard n’a pas l’étoffe pour être présidente de quoi que ce soit. Elle va à l’encontre de l’éthique dont elle devrait se doter pour occuper une telle fonction, elle fait tout le contraire des meilleures stratégies de communication utiles pour cibler une problématique et en parler en vue d’obtenir un changement. Elle est encore moins capable d’évaluer, voire d’anticiper les conséquences de ses actions.

De plus, ses excuses non senties traduisent un énorme besoin d’attention. De ce côté, il faut blâmer les médias, qui font des vagues immenses avec les tweets de Gabrielle Bouchard. Elle sait qu’elle est surveillée et que quoi qu’elle fasse, on parlera d’elle. Il ne serait peut-être pas faux d’affirmer que Bouchard aime cette visibilité, d’ailleurs. C’est désolant qu’elle ait droit à autant de visibilité alors qu’il n’y a, dans les faits, rien de plus à dire. Les médias contribuent à cette dérive identitaire en faisant l’apologie du discours vide de Gabrielle Bouchard. Les médias devraient ignorer de tels personnages et nous faire avancer en nous montrant des choses intelligibles. Or, on parle plus souvent de ceux qui n’utilisent pas de bonnes stratégies de communication, tandis que le message de ceux qui les utilisent à bon escient et positivement passe, pour ainsi dire, dans le beurre. Quel gâchis !

«J’ai manqué de jugement», admet
Gabrielle Bouchard

(Selon TVA Nouvelles) En entrevue à l’émission «La Joute», Mme Bouchard a reconnu une «erreur de jugement» qui porte ombrage au propos qu’elle voulait tenir sur les féminicides au Québec. «Le tweet a mal adressé les enjeux dont je voulais parler, admet-elle. Je pense que c’est la preuve qu’on doit tourner ses pouces sept fois avant de tweeter – peut-être plus dans mon cas.»