Daniel De Montigny
Ce titre peut sembler être un oxymoron. Des gais pour Trump? Vraiment? Eh bien oui. C’est le nom d’un groupe républicain gai qui, sur son site web et dans la rue, défend férocement les idées populistes de Trump et son administration. Fondé par son président Peter Boykin en février 2016 lors de la campagne présidentielle américaine, ce groupe prétend défendre les intérêts de la communauté gaie au sein du parti républicain, mais en visitant le site web, l’on s’aperçoit rapidement que le discours ressemble plutôt à celui de la droite extrême. Ils organisent depuis 2016 des événements pré et post élection, des marches, et participent à plusieurs manifestations accompagnés d’autres groupes qui forment ce brouillamini qu’est le néo-conservatisme américain. Ces groupes gais pro-Trump, il y en a plus d’un, sont, selon le magazine gai Out, “la minorité au sein de la minorité au sein de la minorité”. En mars 2018, une marche pro-Trump LGBT sur la Maison-Blanche n’a attirée qu’un peu plus de vingt personnes et M. Boykin a déclaré que c’était un triomphe retentissant!
D’après M. Boykin, le président Trump ne serait pas un républicain de la vieille école et son administration, en général, accepterait les bras ouverts la communauté LGBT. Ce sont d’ailleurs des thèmes récurrents chez les gais qui ont voté républicain en 2016 (14% du vote homo). Il affirme que la communauté LGBT serait contrôlée, en majeure partie, par l’agenda de l’extrême gauche et que simplement discuter de l’agenda conservateur peut provoquer la haine et le rejet de la part de la communauté LGBT. D’ailleurs, le sentiment d’être marginalisés, non-entendus par leurs pairs, semble prédominer leur discours. Un autre groupe gai qui soutient Trump, Deplorable Pride, dit sur sa page web qu’ils auraient formé leur organisation parce qu’ils se sentent ‘châtiés’ par la communauté LGBT
à cause de leurs positions politiques. De plus, Boykin dit qu’à moins d’avoir une place à la table, la communauté LGBT ne sera pas représentée. Ce serait l’objectif principal de Gays for Trump. Pour y arriver, il faudra faire du bruit, se faire remarquer, épouser les idées conservatrices. Mais voici. L’administration Trump, à coups de mémos et de politiques internes dans plusieurs de ses agences gouvernementales, mine subrepticement les droits acquis, autant pour le mariage que pour la discrimination sur le marché du travail des personnes LGBT, en accroissant les droits des groupes religieux. Pourtant, les gais qui soutiennent Trump continuent, avec encore plus de ferveur, à le défendre. Comme si leur identité en dépendait.
Nous voilà au cœur de la bête: l’identité politique. Gays for Trump est apparu sur la scène avec la montée de la droite alternative (alt-right), mouvement populiste qui a pris son envol avec la campagne présidentielle de 2016, et qui a été fomenté surtout par Breitbart News, magazine en ligne qui se dit ‘alt-right’, et un de ses ex-éditeurs ouvertement gai et maître provocateur, Milo Yiannopoulos. Cette droite alternative est composée de groupes extrémistes qui, malgré leurs différentes positions sur certains points, partagent certains objectifs identitaires: guerre ouverte contre la rectitude politique de l’extrême gauche et la revendication du droit de parole, principalement. Ses armes de choix sont la provocation et la désinformation, qui va jusqu’à la réécriture des faits et même de l’histoire.
Pour une personne LGBT républicaine pro-Trump qui se sent rejetée par sa communauté, mais aussi, paradoxalement, par l’establishment républicain, que reste-t-il pour être vue et entendue? Provoquer, confondre, faire du bruit, et encore plus de bruit, pour le leader suprême!