
Maître Claude Chamberland
Suite à l’épisode de verglas de 2023 au Québec et aux nombreux dommages causés par les chutes d’arbres sur les voitures et les maisons, Gay Globe a voulu savoir si la franchise payable par l’assuré pouvait être remboursée, voici les réponses de Maître Claude Chamberland:
1- Un homme stationne son automobile dans un stationnement privé situé derrière sa résidence. L’arbre de son voisin directement à côté de son stationnement tombe en partie sur son véhicule causant 7000$ de dommages et 500$ de franchise.
Voici la règle de base du Code Civil: 1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel. Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.
1470. Toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d’une force majeure, à moins qu’elle ne se soit engagée à le réparer. La force majeure est un événement imprévisible et irrésistible; y est assimilée la cause étrangère qui présente ces mêmes caractères.
Bien que je n’aie pas fait de recherche pour valider ma perception, il me semble bien qu’un épisode de verglas comme celui du 5 avril tombe dans cette définition. Ce principe de l’exonération de la responsabilité du fait des choses pour cause de cas fortuit ou force majeure (« act of God » en anglais) est vieux comme le monde, remontant au droit romain et ayant été repris par le Code Civil de Napoléon et le « common law » anglais. Il survit aujourd’hui encore autant en droit français qu’en droit civil québécois.
2- L’assurance automobile de l’homme couvre les dommages mais pas la franchise. L’homme veut le remboursement de sa franchise qu’il considère comme un dommage résultant de la responsabilité civile du voisin qui refuse de l’indemniser.
Le voisin a raison de refuser de l’indemniser vu l’article 1470 CCQ et le principe de l’exonération de responsabilité pour cause de force majeure discuté ci-dessus.
3- L’assureur de l’automobiliste lui recommande d’envoyer une mise en demeure à l’assureur du voisin (arbre) pour réclamer la franchise et lui envoie même un formulaire de demande de remboursement de franchise. Est-ce qu’il a des chances d’obtenir le remboursement de sa franchise ou il perd son temps?
Le dommage n’est donc pas de la responsabilité du voisin. Ce serait différent si, par exemple, le balcon du voisin était pourri, dangereux, mal entretenu et qu’il s’écroulait sur la voiture de l’homme. Ou si un arbre mort et dangereux à sa face même n’avait pas été coupé. Mais si l’arbre était apparemment en santé, qu’il a été frappé par le verglas et que la chute d’une de ses branches a causé des dommages, c’est à mon avis un cas de force majeure. En théorie, l’homme perdra son temps en demandant le remboursement de sa franchise à l’assureur du voisin. En pratique, le formulaire transmis peut quand même être envoyé: On ne sait jamais, l’assureur du voisin préférera peut-être payer 500$ (la valeur de la franchise) plutôt que d’aller en Cour plaider le cas de force majeure.
NDLR: Suivant les conseils de Me Cham-berland, le voisin en question a envoyé sa mise en demeure et moins de 24 heures plus tard, l’assureur du voisin lui proposait de lui rembourser sa franchise de 500$, comme quoi il faut toujours aller au bout de ses recours quand c’est possible…