Roger-Luc Chayer
Suite à la vision d’horreur provoquée par le coup d’État à Washington au début janvier, certains réseaux sociaux se sont enfin posé la question à savoir si leurs services permettaient de falsifier la réalité au point de mener des gens du monde entier à douter de tout et de rien, à se déclarer journalistes parce qu’ils ont un blogue ou encore à se croire « influenceurs » parce qu’ils ont une existence artificiellement créée par les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou Instagram et j’en passe. Il était plus que temps que ces mêmes réseaux sociaux passent à l’acte et commencent à réfléchir à de nouvelles normes qui viendraient mieux encadrer la publication de millions de personnes. Certaines personnes se présentent aujourd’hui comme journalistes-citoyens, de manière à se donner de l’importance dans un monde médiatique auquel ils n’appartiennent pas. Qu’est-ce que le « journalisme citoyen » au juste? Selon Wikipédia, « Le journalisme citoyen est un aspect particulier du média civique qui est l’utilisation des outils de communication, notamment ceux apportés par Internet (site web, blogue, forum, wiki…), par des millions de particuliers dans le monde comme moyens de création, d’expression, de documentation et d’information. Il y a un certain renversement dans ce domaine, le citoyen passant du rôle de simple récepteur à celui d’émetteur, devenant lui-même un média. » C’est justement ce que croient ces faux journalistes et des millions de leurs lecteurs et c’est justement aussi ce qui mène à la publication et à la diffusion de millions de faussetés, de conspirations ou de fausses nouvelles qui ne trouveraient autrement jamais leur place dans de vrais médias. La contre-partie du journalisme citoyen, c’est le journalisme professionnel! Qu’est-ce qui distingue les deux? Tout d’abord, le journaliste est assujetti à des normes éthiques rigoureuses qui l’obligent à livrer une information exacte, vérifiée, corroborée et qui informe plutôt que de manipuler l’opinion publique. Radio-Canada a un guide de déontologie exemplaire, mais tous les journalistes du Québec sont assujettis au guide de déontologie du Conseil de Presse du Québec, ce qui n’est pas le cas des « journalistes citoyens ». De plus, les journalistes sont responsables de ce qu’ils publient et seuls les journalistes peuvent se retrouver obligés de défendre leurs publications devant le Conseil de Presse ou devant les tribunaux, ce qui n’est pas le cas des influenceurs ou des blogueurs… Les conséquences de publier et de diffuser de la fausse nouvelle sont énormes. Je reviens au coup d’État de janvier au Capitole de Washington, qui a été le résultat direct des tweets du Président Trump. Mais c’est la même chose avec les faux sites de nouvelles alimentés par de faux journalistes russes par exemple qui créent une confusion incroyable au niveau mondial. Parce que même si on parle de fausse nouvelle, il y a de vrais lecteurs qui consomment ce matériel frauduleux. Le public n’est plus en mesure, et c’est mon opinion la plus ferme, de faire la distinction entre le vrai du faux et cela résulte directement de l’existence de jouets comme Twitter ou Facebook qui sont devenus, grâce à leur désinvolture et leur désir d’engranger des milliards de dollars, des outils qui nuisent au vrai journalisme. Avouons-le, en ces temps difficiles, il est plus important que jamais d’avoir une vraie information, neutre et crédible. Vivement l’intervention des gouvernements pour replacer ces entreprises et ceux qui s’en servent là où ils devraient être, c’est-à-dire dans une définition stricte de réseaux sociaux, et non de médias sociaux!