
Par: Maître Claude Chamberland, avocat et médiateur accrédité à la Cour des Petites Créances
Image: Générée électroniquement ©Gay Globe
Au fil des chroniques, vous êtes nombreux à m’exposer des questions juridiques qui vous préoccupent à des degrés divers. Permettez-moi de profiter de ce temps relativement calme de relâche estivale pour rattraper le temps perdu et répondre en rafale à quelques-unes d’entre elles…
Q: Est-ce que les séances de lectures par des drag queens, dans les écoles et les bibliothèques, sont protégées par la Charte des droits?
R: Bien sûr qu’elles le sont, autant par la Charte québécoise que par la Charte Canadienne. Ce droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, constitue le fondement juridique d’une protection contre la discrimination qui doit être à l’abri des ressacs et humeurs politiques du moment. La limite de ce droit doit être raisonnable et sa justification doit pouvoir se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Q: Depuis l’arrêt prononcé par la Cour Suprême dans l’affaire entre Mike Ward et Jeremy Gabriel, j’ai l’impression que les pouvoirs du Tribunal des Droits de la Personne ont été réduits. Est-ce le cas?
R: Oh là là! L’analyse des répercussions de l’arrêt Ward ne fait que commencer. Il y aura certainement autant d’analyses qui en seront faites dans les prochains mois et années que de pages au jugement de la Cour Suprême (147 pages). Si ces questions vous intéressent, je vous invite à aller visiter l’excellent site web du TDP et à y consulter la liste commune de jurisprudence au:
Tribunaldesdroitsdelapersonne.ca
De façon générale, mon conseil en lien avec toute question de droits et libertés, incluant bien sûr les allégations de discrimination, est de communiquer avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour y formuler une plainte en bonne et due forme. C’est gratuit et le degré d’expertise des membres de la CDPDJ constitue une garantie supplémentaire de sauvegarde de vos droits. La réponse courte à cette question est que la mission du TDP a été en quelque sorte «recentrée» par l’arrêt Ward. S’agissant de verbalisations protégées par la liberté d’expression, le critère tel que précisé dans Ward est le suivant: Le propos doit être, aux yeux d’une personne raisonnable, informée des circonstances et du contexte pertinent, de nature à inciter au mépris ou à la détestation de l’humanité d’un plaignant en lien avec un des éléments protégés par la Charte québécoise (race, sexe, âge, condition sociale, orientation sexuelle, etc.).
Q: Que faire si un avocat refuse de représenter une personne LGBTQ?
R: Un avocat ne peut jamais être contraint à accepter un mandat qu’il ne souhaite pas. L’avocat n’a donc qu’à refuser sans exposer de raison particulière à la personne qui sollicite ses services professionnels. Toutefois, si le refus est fondé uniquement sur l’appartenance d’une personne à la communauté LGBTQ et si cet élément peut être prouvé, il pourra y avoir ouverture à une plainte au Barreau contre l’avocat pour manquement à l’obligation déontologique.
Au préambule du Code de déontologie des avocats découlant de la Loi sur le Barreau et du Code des Professions, il est expressément mentionné que l’avocat est au service de la justice, que l’exercice de la profession repose sur des valeurs de respect des règles de droit, d’accessibilité à la justice, de respect de la personne et de protection des droits fondamentaux, dont celui de ne pas subir de discrimination et de harcèlement.
Une telle situation serait donc clairement dérogatoire au Code de déontologie et appellerait vraisemblablement une sanction.