Par: Roger-Luc Chayer
Dans un message viral récent, la journaliste Isabelle Hachey, du journal La Presse, s’interrogeait et s’offusquait que sa photo ait servi dans la campagne publicitaire d’une compagnie de Val-d’Or et déclarait: « Je ne sais pas ce qui devrait m’insulter le plus: que cette pub vise les 50 ans et plus, où bedon qu’elle vise des gens qui veulent réorienter leur carrière… En fait, ce qui m’insulte le plus, Groupe OrPair Inc., c’est que vous utilisez mon image sans mon consentement pour faire de la pub dans le journal local. Ça, ça m’insulte pour vrai. » Et, en accompagnement, une image de la publicité avec la photo de Madame Hachey. Pour sa défense, la directrice de l’entreprise disait que sa secrétaire avait fait une recherche sur Internet avec « femme, 50 ans » et avait pris la première photo pour illustrer la publicité dans le journal local. Madame Hachey acceptant ensuite les excuses de la compagnie. Il fallait voir la grande quantité de commentaires sur les réseaux sociaux et surtout, la désinformation entourant le droit d’auteur en général, plusieurs considérant que des photos sur Facebook ou ailleurs seraient libres de droits. Rien n’est plus faux! Voici pourquoi… Le droit d’auteur au Canada est une loi fédérale qui encadre à la fois le droit d’auteur et le droit moral sur les oeuvres, images, textes, musique, vidéos. La loi C-42 s’inscrit d’ailleurs dans le cadre d’accords internationaux comme la Convention de Rome ou celle de Berne, ce qui fait que la loi canadienne s’applique dans tous les pays signataires de ces conventions, et on parle ici de la presque totalité des membres de l’Organisation des Nations-Unies (ONU). Si on fait un résumé plutôt simple de C-42, la loi ne prévoit aucune exception pour l’Internet ou les réseaux sociaux, la loi s’applique à tout contenu et elle prévoit même des sanctions criminelles advenant une violation majeure, sauf en cas d’utilisation équitable par des journalistes ou des étudiants, sous certaines conditions. De plus, même si d’un côté il y a la protection de la loi sur les oeuvres, images, photos, etc., elle prévoit aussi des dommages moraux qui correspondent au droit à l’image et au droit de pouvoir en disposer à sa guise. Même si on peut obtenir une autorisation de publication, les droits moraux sur une image restent incessibles peu importent les circonstances. Dans le cas de Madame Hachey, non seulement il y a eu violation du droit d’auteur à l’endroit de la propriétaire de la photo, soit Madame Hachey, il y avait violation de ses droits moraux en l’utilisant sans autorisation dans le cadre d’une campagne publicitaire à laquelle elle aurait pu ne pas vouloir associer son image ou son nom. La pub parlait de personnes de 50 ans ou plus, Madame Hachey n’a que 46 ans, et si elle avait réclamé des dommages, ça aurait coûté très cher à l’entreprise fautive. Toute image, qu’elle soit sur le web, dans un journal ou dans l’album photo d’une personne est généralement soumise à des droits. Il est faux de prétendre que si elle se trouve sur Facebook, comme le croient plusieurs internautes, qu’elle fait partie du domaine public. Il m’est personnellement arrivé la même chose et à l’époque, le média qui utilisait sans droit une photo m’appartenant était Sun Média et c’était dans le cadre d’une publicité pour une tournée dans des bars de l’Est du Québec. Dans la cause #125-32-001527-058, le Tribunal m’avait octroyé près de 2400$ pour une seule photo. Le jugement ayant été publié par l’UNESCO vu son importance.