Ma fierté? Quelle fierté!

Jean-Sébastien Bourré

Après 15 ans d’appartenance aux communautés LGBTQ+ et de militantisme, tantôt public, tantôt dans ma vie personnelle, quelle place occupe la Fierté pour moi ? 

J’ai découvert la réponse en réfléchissant longuement à cette question, tout récemment : la Fierté est essentielle!

Dans la vie quotidienne, je ne suis pas certain qu’une personne appartenant aux communautés LGBTQ+ pense à sa Fierté bien souvent. Pour ma part, voilà maintenant 15 années que j’affirme cette appartenance en tant qu’homme bisexuel. Les cinq premières années d’affirmation étaient égoïstement pour moi, puis une poignée d’individus. Pour ma famille et mon entourage, il y a un peu plus de 10 ans que je suis officiellement sorti du placard, grâce à une relation amoureuse significative avec un homme (Jasmin Roy, pour ne pas le nommer!) qui m’a finalement donné un certain élan, le courage nécessaire. Et comme l’enjeu était de notoriété publique, je devais foncer! (Je n’ai jamais eu de pression pour le faire!) Et cela m’a amené à être une personne épanouie.

Or, depuis ces plus de dix années, bien des choses ont évolué, dont la personne qui partage ma vie. J’aurai toujours énormément de gratitude envers Jasmin, maintenant un ami cher, de m’avoir fait découvrir l’importance de cette Fierté dans ma vie, des enjeux qui y sont liés, de la marche de la Fierté (lorsqu’elle a lieu à Montréal!)…

Maintenant que je suis père de deux enfants et en couple avec une femme, puis-je parler de Fierté ou si ce droit m’est révoqué puisque je vis dans un monde jugé par certains comme étant « hétéronormatif »? 

La réponse est oui : cette Fierté m’appartient et chacun la vit à sa façon, selon sa réalité!

Je ne suis pas hétérosexuel, mais bien un homme bisexuel en relation avec une femme hétérosexuelle. Il arrive que des personnes de mon entourage me disent à la blague (et je m’amuse moi-même à la reprendre) que je suis retourné dans le placard pour avoir des enfants (mes deux rayons de soleil, William et Emma-Jade). 

Dans les faits, on ne choisit pas de qui on tombe amoureux. Et c’est ce que beaucoup de gens ont du mal à comprendre à propos de la bisexualité : que l’on puisse tantôt aimer une femme, tantôt un homme. « Les bis sont difficiles à catégoriser! C’est mêlant! »

Cela me ramène à la pression sociale que j’ai dû endurer lorsque, plus jeune, je découvrais ma sexualité, à l’âge de vingt ans. Autant du côté des personnes hétérosexuelles que des personnes homosexuelles (gays et lesbiennes), je recevais un discours tranché selon lequel la bisexualité était une phase cruciale de ma vie : 

« Tu es un homosexuel en transition! »

« Un jour, tu arrêteras de dire que tu aimes les femmes et tu affirmeras ton homosexualité! »

« Il faut se ranger d’un côté ou de l’autre, on ne peut pas être entre les deux toute sa vie… »

Et vous savez quoi? J’ai tenté de mon mieux de m’y conformer, parce que ces messages me parvenaient de gens qui avaient plus d’années de vie que moi. Ils devaient bien y comprendre quelque chose de plus que moi qui en était à mes premières expériences amoureuses, sexuelles… non??

Et vous savez ce que fait cette pression insidieuse? Elle nous décourage de nous affirmer, elle nous empêche de nous écouter, de nous découvrir adéquatement. Pourquoi penser par soi-même quand les autres le savent « pour nous »?

Ainsi, lorsque j’ai rencontré Jasmin, j’étais certain que j’allais enfin pouvoir affirmer ce que ces gens m’avaient convaincu que j’étais depuis près de quatre années : un homme homosexuel. 

Et j’ai fini par y croire parce que j’étais heureux. Lorsque Jasmin et moi avons fait la couverture du magazine 7 jours, en mars 2013, on peut lire, DANS L’ARTICLE, que « j’utilise » le qualificatif « homosexuel », me concernant. Or, je ne l’ai jamais utilisé dans l’entrevue puisque je n’étais pas à l’aise avec celui-ci pour me décrire, mais il faut savoir que les journalistes formatent un peu les tournures de phrases pour que ce soit plus beau que lorsque l’on parle en entrevue…

Ce qui m’a enseigné une leçon comme journaliste et auteur : toujours citer fidèlement les personnes et éviter d’employer des terminaisons qu’elles n’ont pas utilisées…

Il m’a fallu quelques années de vie avec Jasmin pour employer ce qualificatif avec assurance. Par contre, il n’était pas juste… Et j’ai bien fini par dévoiler, en 2017, à l’émission Médium large, sur ICI Première, en entrevue de couple, ma véritable orientation sexuelle. J’avais, depuis plusieurs années, encouragé bien des gens à respecter cette identité propre. Le moment était venu de me respecter et de m’affirmer. Certains questionnements, certaines réactions m’ont peiné, mais cette peine fut de courte durée…

Fort de cette expérience de vie, je suis aujourd’hui FIER de qui je suis, FIER d’avoir saisi la chance de vivre librement ma bisexualité, sans me soucier davantage du jugement des autres sur ma vie. Et ce ne fut pas nécessairement facile, au départ, moi qui avais des homophobes dans ma famille… Par peur, j’ai demandé à une amie de mes parents de leur annoncer la nouvelle de ma relation amoureuse. Et le dénouement fut heureux; curieusement, davantage pour mon père. Il a toujours été respectueux de ma vie et n’a jamais utilisé de terme homophobe lors de nos désaccords. Cela contraste avec de nombreuses histoires, où c’est généralement l’inverse que l’on voit. (Merci, Chantal, pour ton aide, et merci, papa, de m’aimer comme je suis!)

Ma conjointe connaissait dès le départ mon orientation sexuelle. C’était la première fois que je rencontrais une femme sans que cela soit un secret que je dévoilerais après des semaines de tergiversation. 

Si un jour mes enfants ont des questions sur mon passé amoureux, je serai enclin à leur parler en toute franchise, avec mon cœur, et à leur transmettre des valeurs de respect de la diversité sexuelle et de genre. Sans même leur parler de moi, je leur ferai apprécier la beauté de notre diversité humaine. Que dis-je : cet apprentissage est déjà en cours pour eux deux!

Je n’écrirai jamais un livre intitulé « La fin de la bisexualité et le dernier bi », parce qu’il y a encore beaucoup à faire pour que la bisexualité soit aussi respectée que l’homosexualité. Et que les combats homophobes, transphobes, biphobes…. LGBTQ++++-phobes sont loin d’être terminés.

Je poursuis ma mission amorcée avec mes livres « TRANSition » : amener le monde que je connais, ou que je rencontre, une personne à la fois à faire une TRANSITION VERS UN MONDE MEILLEUR. Un monde où chacun respecte la vie privée des autres sans la critiquer, où chacun s’aime et où règne la paix.

Tous ensemble pour le bonheur du plus grand nombre!

Bonne Fierté!

Jean-Sébastien Bourré

Auteur 

« TRANSition : Évolution du mouvement trans et de ses revendications » 

« TRANSition : Une quête de soi »

Série jeunesse : « Une enquête de Herby et Maya », tomes 1 et 2

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